Jésus opère un retournement dans nos valeurs

Nous venons de fêter la venue des mages auprès de Jésus, ces nobles de l’époque qui viennent voir le roi des Juifs et qui découvrent le plus petit des humains, dans une mangeoire d’animaux, à une époque où l’on ne s’extasiait probablement pas devant un bébé. L’enfant Dieu pose la question de la vraie grandeur.

Dans notre texte, les disciples viennent de débattre pour savoir lequel d’entre eux est susceptible de livrer Jésus. « Non, pas moi ! Je suis trop bien pour une telle chose ». A voir, même si, pour Luc, le rédacteur de cet évangile, la réponse à cette question semble être une évidence, pour les disciples, ça ne l’est pas. Judas n’est pas connu pour avoir un côté fourbe. Ils sont donc tous susceptibles de trahir le maître, ou plutôt, aucun d’eux n’est susceptible de faire une chose pareille.

Cette discussion les mène tout naturellement à se poser la question de savoir lequel d’entre eux est le plus grand. Ils s’étaient déjà posé cette question et Jésus leur avait répondu en plaçant un enfant devant eux et en disant : « Celui qui est le plus petit parmi vous tous, c’est celui-là qui est grand ». Mais les disciples ne semblent pas avoir saisi cet enseignement, tant il est complexe et contraire aux valeurs ambiantes.

Oui, il faut du temps pour intégrer l’enseignement sur le renversement des valeurs. Pourtant, Jésus montre l’exemple : il est au milieu des disciples comme celui qui sert. Ici, il vient de partager le pain et le vin en parlant de son corps offert et de son sang versé pour ses disciples. Car c’est en allant au bout de son offrande qu’il est le sauveur du monde. Dans l’Evangile de Jean, lors de ce même dernier repas avec ses amis, il s’est levé, il a pris un linge, il s’est agenouillé devant ses disciples et il leur a lavé les pieds, comme l’aurait fait un serviteur. Et là, des gens se détournent de lui car ils sont déçus qu’il veuille faire don de sa vie.

Et nous, si nous avions vécu du temps de Jésus, aurions-nous reconnu Jésus comme le Christ ? Et si oui, du fait de quoi ? Du fait des nombreux miracles qu’il a pratiqués ? Du fait de ses enseignements ? Du fait du nombre de gens qui le suivaient ? On sait qu’il y avait d’autres gens, des sortes de prophètes itinérants, qui attiraient également du monde, alors en fonction de quoi est-ce que nous aurions fait la différence ?

Selon les amis de Jésus, si Jésus était vraiment le Christ, il ne pouvait pas subir le sort qu’il annonçait. Selon ses ennemis, au contraire, il devait subir ce sort, précisément ! Les uns comme les autres ne voyaient donc pas la possibilité, pour Jésus, d’être à la fois le Fils de Dieu et condamné à mort et exécuté. Souvenez-vous de la confession du centurion romain, au pied de la Croix, qui s’écrie : « Vraiment ?! Cet homme était fils de Dieu ».

Sa prise de conscience est la nôtre aujourd’hui aussi : Dieu vient en ce monde et se fait tout petit, les mages offrent des présents démesurément grands à ce faible enfant incapable de les recevoir en grandes pompes et de les remercier comme il se devrait en telle circonstance. Pourtant, les mages les offrent, ils ne repartent pas en se disant qu’ils n’ont pas trouvé le roi des Juifs. Ils arrivent à espérer et à se dire qu’il grandira et deviendra roi. Mais peuvent-ils imaginer son type de royauté ? Certes non ! Lorsque Jésus interroge ses disciples au sujet de son identité, il s’aperçoit qu’ils nagent en pleine confusion. Il n’y a guère que les démoniaques qui reconnaissent l’identité de Jésus : « Je sais qui tu es : le Saint de Dieu ! »

La vie de Jésus est truffée de ces exemples qui démontrent le retournement des valeurs. Vous avez peut-être pensé à d’autres exemples que je n’ai pas cités. Comment vivez-vous ce retournement des valeurs ? Certaines Eglises ne vont accentuer que les aspects gagnants du ministère de Jésus, tant ces côtés humbles et faibles de Jésus les perturbent ; ils craignent que des gens hésitent à suivre un Messie crucifié, si bien qu’ils ne prêchent que le Messie victorieux, ressuscité, ce qu’il est aussi, bien sûr.

Vous et moi, nous vivons dans cette société qui nous appelle à être meilleur que les autres et à cacher nos faiblesses. Et peut-être qu’aujourd’hui, tout comme les disciples, nous aimerions savoir lequel de nous est le plus grand. Au risque de vous décevoir, eh bien je crois pouvoir affirmer que cela va nous rester caché et que cela ne nous sera révélé que dans le Royaume de Dieu. En attendant ce jour, recherchons la perfection de l’amour, sachant que l’esprit de concurrence engendre conflits et blessures, alors évitons de le nourrir.

En effet, qui sait si ce n’est pas en voulant être le plus grand que Judas a trahi Jésus…

Chers amis, n’ayons pas peur d’être grands dans des domaines qui n’impressionnent pas les humains, mais qui sont susceptibles d’émouvoir le cœur de Dieu.

Seigneur,
Dans notre réalité, aide-nous à discerner comment être grands à tes yeux.

Bénis et soutiens-nous dans l’exercice de nos dons, de nos talents et compétences, afin que nous puissions trouver un équilibre entre rechercher l’approbation des humains et la tienne.

Tu connais notre tendance naturelle à être jaloux de celles et ceux qui semblent mieux réussir que nous. Aide-nous à regarder à toi et à ton échelle de grandeur.

Seigneur notre Dieu,
merci pour tout ce qu’il y a de bon dans notre vie,
merci pour tout ce qu’il y a de bon en nous.

Merci pour l’immense source de réconfort qu’est ta présence.
Tout cela nous donne la soif de te présenter ce qui nous peine…

Seigneur, nous pensons devant toi
à tous ceux qui souffrent, quelle que soit l’origine de leur souffrance,
à ceux qui doivent reconstruire une nouvelle vie après une séparation, un deuil, un échec, une maladie.

Nous pensons à ceux qui sont en soucis pour leur situation.
Aides nous, Seigneur, à avoir la parole et le geste juste.
Aides-nous à recevoir et à donner avec joie.

Nous pensons devant toi à ceux qui nous sont chers,
et à ceux que nous avons du mal à aimer,
nous te les confions.

Amen