Avec toi, rien n’est impossible 

Image de Bernadette Lopez, www.evangile-et-peinture.org

Prédication du culte du 13 octobre 2024 au temple de Colombier par René Perret

Lectures bibliques : Hébreux 4,12-13 ; Marc 10,17-27

Avant de commencer mon message, me revient cette blague qu’on se racontait à mon début de ministère dans l’EREN : il avait été retrouvé un très ancien manuscrit de ce passage de l’Evangile de Marc dans notre canton. On y trouvait cette phrase si bien connue que nous venons de lire : « Mais l’homme, à ces mots, devint sombre et s’en alla tout triste, car il avait de grands biens. Et LÀ figurait cet ajout original : « Jésus courut le rattraper et lui dit : Attends, on doit pouvoir s’arranger ! »

Ça, c’est pour la question toujours délicate de l’argent, dans notre Eglise, mais pas que !

Revenons à nos moutons, et à ce récit pour le moins contrasté. 

J’ai découvert que, contrairement à ce que je crois avoir lu souvent, il ne s’agit pas forcément d’un « jeune homme riche ». Jamais le terme « jeune » n’apparait, même en grec. C’est un homme qui vient à Jésus. Peut-être son jeune âge est-il déduit de sa déclaration à avoir observé les commandements depuis sa jeunesse. Moi, je trouve plus fort, et plus proche de nous de considérer cet homme sans âge précis ; comme nous, il a pu faire au mieux depuis sa jeunesse. Comme nous, peut-être ? il lui manque encore quelque chose d’essentiel. Et quand on tout bien fait depuis l’enfance, et qu’à un âge mûr on continue de chercher l’essentiel qui nous manque, ça dit encore plus fortement le désir qui pousse à accourir à Jésus pour l’appeler à l’aide. 

Jésus accueille l’homme, il le regarde et l’aime. Il le sait sincère et c’est pourquoi il va lui proposer la voie qui répond à son désir. Mais cette voie désarçonne l’homme, jusque-là bien sûr de son fait. 

L’homme est d’abord invité à se déplacer de son monde paisible protégé par la richesse, où « sans qu’on s’en aperçoive, d’un même amour sont aimés les commandements de Dieu, les parents, les conditions d’une vie assurée ».

La vie éternelle, le trésor au ciel, quel meilleur bien y a-t-il ? Pourtant, au moment de choisir, l’homme repart tout triste, car il ne peut se défaire de ses grands biens. N’est pas François d’Assise qui peut ! Et loin de moi d’en déduire une condamnation des riches comme nous les voyons : fortune, maison, voiture, etc.

Même si je suis et reste pasteur neuchâtelois, donc familier du très ancien manuscrit évoqué tout à l’heure, je crois que la richesse, ici, ne rime pas forcément avec fortune. On peut être riche de tellement de façons, à part l’argent : de confiance en soi (je n’ai besoin de personne, ni de Dieu) ; de santé (j’ai tout fait pour me maintenir dans mon excellente forme) ; etc. 

Les biens qui nous empêchent de recevoir la vie éternelle, le trésor au ciel, n’est-ce pas ces choses qui nous empêchent d’avoir les mains ouvertes, ce sentiment vital du manque de l’essentiel, et qui nous comblera vraiment ?

J’ai entendu une personne traversant l’épreuve de la maladie longue dire, dans un bon moment de son parcours, qu’elle avait découvert des richesses avec Dieu qu’elle n’aurait jamais soupçonnées. 

Ou quelqu’un d’autre ayant traversé une grave crise financière, de celle qui peut vous conduire à la rue, me confiant que ça l’avait rendu plus sensible à ceux qui passent par ce seuil de pauvreté, déjà chez nous. Il n’était plus le même, spectateur certes peiné de cette situation, mais il devenait compagnon de cœur de ce drame qui touche tant de gens. 

« Après le départ de l’homme, Jésus regarde autour de lui et s’adresse à ces disciples. »

Cette phrase est riche d’un regard plus élargi que sur ses disciples ; comme s’il regardait le public éventuellement présent ; comme s’il regardait tous ceux qui sont concernés par cette histoire, hier et aujourd’hui. 

Il s’adresse à ses disciples. Avec lui, ils sont en chemin vers Jérusalem, et ils ont déjà entendu récemment de rudes paroles de Jésus dans ce sens. Au chapitre 8 : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile la sauvera. »

Et au chapitre 9, ayant annoncé pour la deuxième fois sa Passion et sa Résurrection en ces termes :  « Le Fils de l’homme sera livré aux mains des hommes ; ils le tueront et, trois jours après sa mort, il ressuscitera. Mais les disciples ne comprenaient pas ces paroles et ils avaient peur de l’interroger. » On comprend sans peine leur stupéfaction face aux propos de Jésus concernant tout un chacun.

Au début de notre récit, Jésus avait dit à l’homme : « Pourquoi dire que je suis bon ? Personne n’est bon, sinon Dieu seul. » Si quelqu’un possède jusqu’à la bonté, c’est Dieu, et nous sommes ses obligés. Pas tant moralement que pratiquement : il est la Source et c’est donc à lui que nous empruntons. Ce que nous empruntons à Dieu, il le met gracieusement à notre disposition pour que nous le fassions fructifier. Ainsi en va-t-il de l’amour, tel celui que Jésus éprouve envers l’homme ; cet amour-là ne possède pas la personne aimée, il dénoue nos doigts serrés sur nos prises jusqu’à ce que nos paumes s’ouvrent enfin vers le ciel. 

 Tôt ou tard, tout homme, toute femme, se heurte au mur d’une impossibilité : « Seigneur, là je ne peux pas te suivre ». Mais Jésus dit, aux riches comme aux pauvres, une parole qui peut transformer notre découragement en expérience de confiance : « A Dieu, tout est possible ».

Ce n’est pas un mot d’homme, c’est une parole de Dieu, ça vaut la peine de tout bazarder pour se lancer dans cette confiance : « Avec toi, rien n’est impossible ».

Le bras de Dieu est assez fort pour nous arracher à l’égoïsme comme à l’inquiétude. Quand Jésus nous dit : « libère-toi », c’est une demande, mais aussi une offre.

S’approcher de Jésus, c’est s’approcher du plus pauvre des êtres humains, lui que le mal n’a pas pu enchaîner et qui est cependant mort torturé, condamné par les humains.

Suivre le Christ, c’est marcher à la suite du plus riche Seigneur, parce que son amour nous sauve vraiment, nous libère.

Je terminerai par un extrait de cette prière de Marion Muller Colard : 

Tu es l’Eternel Dieu qui nous fait sortir de nos lieux d’esclavage. 

En nous ordonnant le repos du shabat, tu nous préserves de l’illusion de posséder le temps.

En nous ordonnant d’honorer nos ascendants, tu nous préserves de l’orgueil de posséder notre contingence. 

En nous interdisant de commettre meurtres, adultères et vols, tu nous préserves du danger de posséder l’autre.

En nous interdisant la médisance, tu nous préserves de posséder la vérité intime de nos frères. 

En nous interdisant de convoiter notre prochain, tu nous préserves du poids de posséder notre propre désir.

Tu es l’Eternel Dieu qui nous fait sortir des lieux étouffants où nos possessions nous possèdent. 

Par ta Loi tu nous rends libres. Ton dépouillement est notre richesse.

Amen.

Une histoire pour entrer en Confession des péchés

Un homme meurt et monte au Ciel. Saint Pierre vient à sa rencontre au seuil de la porte : 

« Voici le règlement, explique-t-il au nouveau venu. Vous avez besoin de cent points pour entrer. Racontez-moi tout ceque vous avez fait de bon dans votre vie et je vous accorderai un certain nombre de points pour chacune de ces actions, selon leur importance. Dès que vous atteignez 100 points, vous êtes bon pour le Ciel !

– Très bien, répond notre homme. J’ai été marié avec la même femme pendant cinquante ans et je ne l’ai jamais trompée, même en pensée.

– Fantastique ! rétorque saint Pierre. Cela vaut bien trois points !

– Trois points ? reprend l’homme. Bon… j’ai aussi été au culte tous les dimanches. J’ai été très actif dans ma paroisse et j’ai été généreux lors de l’offrande.

– Génial ! s’exclame saint Pierre. Cela vaut bien un point !

– Un point ? Autre chose : j’ai lancé une soupe populaire dans ma ville et j’ai œuvré auprès des plus pauvres.

– Félicitations. Deux points en plus !

– Deux points ? s’écrie l’homme. À ce compte-là, mon seul espoir d’aller au Ciel repose sur la Grâce et la Miséricorde de Dieu !

– Viens… Sois le bienvenu au paradis, dit saint Pierre. La Miséricorde de Dieu, ce sont les nonante quatre points qui te  manquent. »