Montée vers Pâques 4 avec Elim

Elim: Claude Fiaux, Pierre Reverchon, Hans Beck, Bénédicte Gritti.
Photos: Claude Fiaux.

Pour accompagner aujourd’hui notre méditation sur le chemin de Vendredi-Saint puis Pâques, nous vous proposons cette prière du pasteur André Dumas (1918 – 1996). Il fut l’une des figures majeures du protestantisme français, un homme engagé dans tous les combats pour la dignité humaine et dans toutes les grandes réflexions théologiques de la seconde moitié du XX ème siècle.

Puis nous finirons en musique.

Te parler ne me gêne pas

Je ne me gêne pas pour te parler. J’en ai fini avec l’hésitation de la démarche trop prétentieuse ou du recours inutile. Je ne me gêne pas, car tu as du temps pour la vérité, de la bonté pour la réalité, de la force pour la vie. Tu ne demandes pas que l’on soit intéressant à tes yeux, ni capable à nos yeux. Tu n’as jamais intimidé, même quand tu as parlé dans la colère et que tu t’es tu dans la douleur. Tu donnes de la hardiesse, puisque tu ne regardes pas aux apparences et que tu sais de quoi nous sommes faits.

Je ne me gêne pas de te raconter mes tentations, ni mes obsessions, car elles sont chair de ma vie. Je ne les souhaite pas et elles ont fondu sur moi, au moment où je me croyais maître de mes goûts et de mes entreprises. Elles sont venues par-derrière et elles se sont installées, comme si je les avais invitées. Je ne me gêne pas de te les dire, parce que tu sais endiguer la marée noire des regrets vains et que ton pardon passe comme un soleil, là même où nos passions sont passées comme un torrent.

Je ne me gêne pas de te raconter mes désirs et mes projets, car ils sont chair de ma vie. Je ne suis pas sûr de pouvoir vive à la hauteur, car les autres attendent de moi, plus que je n’attends de moi-même. Je ne sais pas si je retrouverai le souffle d’entreprendre et de mener à bien. Mais ton fils lui aussi a désiré et projeté sans trêve, tant qu’il a fait jour, et il a, à la fin, remis son souffle entre tes mains.

Je ne me gêne pas de te raconter mes angoisses, quand je perds pied en moi-même et que le sol chavire dans un ébranlement sans cause. Je les ressens comme des puissances étrangères, dont la familiarité m’effraie. Je leur en veux de m’en vouloir et je ne comprends pas pourquoi c’est à moi qu’elles se collent, comme si je n’étais plus  moi. Car tu as dit que la vie est un combat «au milieu des adversaires nombreux » (Psaume 3,2) et tu as dit aussi : « tu ne craindras ni la terreur de la nuit, ni la flèche qui vole au grand jour, ni la peste qui rôde dans l’ombre, ni le fléau qui ravage en plein midi » (Psaume 91, 5-6).

Je ne me gêne pas de te raconter mes curiosités, car tu as fait le monde multiple et l’homme débrouillard. Tu as disposé la diversité à la surface de l’univers et tu as aménagé des secrets pour que nous les découvrions. Tu nous as donné de l’appétit et de la vie en abondance.

Je ne me gêne pas de te raconter ma vie car tu es comme nous : avec une seule bouche, mais deux oreilles, avec un seul visage, mais de multiples entrailles de miséricorde.

Amen.

Pour donner raison à André Dumas quant aux bienfaits de la curiosité car le monde est multiple et qu’il nous faut en découvrir ses secrets, nous vous proposons d’écouter Masar du Trio Joubran.  Agréable découverte!