Homosensibilité et foi chrétienne

Les Éditions Olivétan viennent de publier un ouvrage très actuel sur cette question qui agite les Églises d’obédiences diverses. Ce livre est le fruit de nombreuses et longues réflexions de la pasteure à la Paroisse de La BARC, Nicole Rochat. Son essai «Homosensibilité et foi chrétienne » fait la part belle aux découvertes scientifiques sur ce sujet comme aux réflexions bibliques, théologiques et ecclésiales qu’elles entraînent. Un ouvrage à conseiller pour son actualité propre à stimuler la réflexion sur un thème qui préoccupe de nombreux milieux chrétiens.

Nicole Rochat est pasteure de l’EREN, animatrice cantonale « Couple, enfance et famille » et par ailleurs responsable du lieu de vie de Rochefort au sein de la paroisse de La BARC. Également thérapeute de couple et sexologue, elle est mère de deux garçons adultes.

 

La question de l’homosensibilité en Église

Originalité de l’ouvrage de Nicole Rochat : aborder sa thématique par diverses approches, scientifique, historique, psychologique, biblique et théologique. Cette manière de faire évite le fameux conflit « sciences et foi » qui pervertit souvent les débats entre vérité scientifique et vérité théologique. Elle recherche le consensus plus que l’opposition qui confond faits scientifiques et opinions spirituelles. Par ailleurs, l’autrice adopte le concept d’homosensibilité, préféré à celui d’homosexualité qui insiste trop sur l’aspect sexuel de la personne.

Des points de vue scientifiques

Selon les recherches récentes, l’homosensibilité peut connaître des origines fort diverses : génétiques, psychologiques, éducationnelles, etc. Dans ce domaine, pas de différences avec l’origine de l’hétérosensiblité si ce n’est la proportion. Les recherches récentes montrent également que les sensibilités, dans ce domaine, peuvent évoluer voire changer au cours d’une vie, dans un sens comme dans l’autre. Les identités d’une personne sont rarement figées et tout est bien plus complexe que des vérités toutes faites et rarement fondées. Faire changer la sensibilité par la force, voire par des thérapies, est un déni de la personne humaine et une voie vouée à l’échec. Par contre une thérapie peut mener à des découvertes qui vont dans un sens comme dans l’autre. Les thérapies de conversion à la mode dans certains milieux chrétiens obnubilés par la sexualité sont à proscrire pour leur violence très peu évangélique.

Des points de vue bibliques et théologiques

Dans une deuxième partie de son ouvrage, Nicole Rochat passe en revue des textes « sensibles » de l’Ancien et du Nouveau Testament, citons le Lévitique, les épîtres pauliniennes et postérieures à Paul ainsi que les Évangiles. Elle propose de lire la Bible dans son contexte d’origine puis d’opérer une actualisation dans une perspective ouverte.

Un constat s’impose d’emblée : Jésus ne s’est jamais préoccupé de cette question. Pourtant l’homosexualité était très répandue dans le monde gréco-romain contemporain, sous des formes multiples. Nicole Rochat propose un éclairage original sur cette absence : Jésus s’intéresse aux personnes comme elles sont ; il leur propose de s’intégrer dans le plan divin du salut par la pratique de l’amour pour Dieu, pour soi-même et pour le prochain. Jésus s’intéresse aux personnes, aux êtres en profondeur et non à des identités sexuelles. Il n’a aucune hésitation à côtoyer des personnes rejetées ou marginalisées par la société.

Pour ce qui est de l’Ancien Testament, Nicole Rochat fait remarquer que la condamnation de l’homosexualité émane du fait que les pratiques sexuelles s’inscrivaient dans un rapport de domination de l’homme sur la femme, hiérarchisation qui n’existait pas entre deux hommes. Dès lors, toute relation entre eux engendrait un « grave désordre », car l’un était rabaissé, ce qui bouleversait l’ordre social.

Dans le Nouveau Testament, l’homosexualité est condamnée quand elle humilie et rabaisse, déshumanise l’autre. Une grande variété de textes sont examinés en détail par l’autrice.

L’Église au cours des temps

Pour Nicole Rochat – et c’est une des originalités de son propos – la révélation divine ne s’arrête pas au Nouveau Testament. En effet, bien que prescrits par la Bible, certains comportements ont fini par disparaître : sacrifices d’animaux, esclavage, l’inégalité hommes-femmes, la consommation d’animaux dits impurs, etc. Dans la perspective des évangiles, les comportements anti-homosensibles doivent également disparaître. Il importe de discerner, sur la base des Écritures, la volonté divine pour aujourd’hui. Ainsi, ce qui compte n’est-il pas d’accueillir la grâce divine en enlevant toutes ces étiquettes pour accueillir les personnes comme elles sont ? Paul n’a-t-il pas écrit en Galates 3,27-28 : Oui, vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ. Il n’y a plus ni Juif, ni Grec ; il n’y a plus ni esclave, ni homme libre ; il n’y a plus l’homme et la femme ; car tous, vous n’êtes qu’un en Jésus Christ. Il n’y a plus homosensibles ou hétérosensibles, ajoutera-t-on, car l’identité chrétienne c’est d’être enfant de Dieu. Rajouter des catégories pour juger ensuite est pernicieux.

La foi chrétienne n’est pas une morale

Vouloir jouer le salut divin sur la corde sensible de la sexualité, comme le font certains milieux fondamentalistes est déviant et absurde par rapport à l’Évangile. User de versets bibliques pour condamner, c’est faire comme le Satan qui utilise l’Écriture à mauvais escient lors des Tentations de Jésus au désert. Le salut ne se gagne pas par des mérites ou par une forme de sexualité mais par la grâce et la foi. La Bible chrétienne est un livre de foi, et non un code moral qui propage une peur du jugement nocive. Pour Jésus, il ne s’agit jamais d’obéir mais d’aimer.

L’autrice termine ses lignes par un appel à concilier sexualité, quelle qu’elle soit, avec spiritualité. Ce qui compte c’est d’aimer, et aimer dans le respect, dans une saine relation au Christ et au prochain.

Les Églises devraient ainsi abandonner leurs discours moralisants sur la sexualité, conséquence d’interprétations douteuses et souvent erronées comme l’appel à l’abstinence des personnes minoritaires dans leurs sensibilités. Les thérapies de conversion sexuelle sont des perversions qui conduisent à la maladie. Les Églises, à l’invite de Jésus, ont à pratiquer l’inclusion de toute personne qui le souhaite (ce que fait l’EREN, Ndr) en affirmant l’amour divin préalable et inconditionnel.

Présentation du livre par Jean-Jacques Beljean

Nicole Rochat, Homosensibilité et foi chrétienne, Éditions Olivétan, Lyon, 2001. Disponible sous forme conventionnelle ou numérique.