Comment tenir bon dans l’épreuve ?

Matthieu 7,21-27

21 « Ceux qui me disent : ‹ Seigneur, Seigneur ! › n’entreront pas tous dans le royaume des cieux, mais seulement celui qui fait la volonté de mon Père céleste.
22 Beaucoup me diront ce jour-là : ‹ Seigneur, Seigneur, n’avons-nous pas prophétisé en ton nom ? N’avons-nous pas chassé des démons en ton nom ? N’avons-nous pas fait beaucoup de miracles en ton nom ? ›
23 Alors je leur dirai ouvertement : ‹ Je ne vous ai jamais connus. Éloignez-vous de moi, vous qui commettez le mal ! ›
24 « C’est pourquoi, toute personne qui entend ces paroles que je dis et les met en pratique, je la comparerai à un homme prudent qui a construit sa maison sur le rocher.
25 La pluie est tombée, les torrents sont venus, les vents ont soufflé et se sont déchaînés contre cette maison ; elle ne s’est pas écroulée, parce qu’elle était fondée sur le rocher.
26 Mais toute personne qui entend ces paroles que je dis et ne les met pas en pratique ressemblera à un fou qui a construit sa maison sur le sable.
27 La pluie est tombée, les torrents sont venus, les vents ont soufflé et se sont abattus sur cette maison ; elle s’est écroulée et sa ruine a été grande. »

Combien y a-t-il de personnes prudentes, ou sensées parmi nous ce matin ? Combien y a-t-il de personnes folles, ou insensées ?

Les personnes sensées, ce sont celles qui n’ont pas seulement entendu prêcher l’Évangile, mais qui l’ont mis en pratique. Visiblement, cette mise en pratique nous donne des bases solides, comme lorsqu’une entreprise construit une maison, on voit parfois des trous gigantesques qui servent à donner des fondements solides à cette maison.

Qu’est-ce qui nous rend solides ? Résistants aux intempéries ? Parce que, les intempéries, ça fait partie de la vie des croyants, vous le savez. La pluie, les torrents et la tempête font partie du programme. La foi n’est étonnamment ni un parapluie, ni un paravent, mais un socle à toute épreuve. J’ai travaillé quelques temps dans le cadre de l’aumônerie du CHUV ; dans ce centre médical universitaire, l’équipe d’aumônerie est considérée comme faisant réellement partie de l’équipe soignante. En effet, des études ont été faites qui montrent que les personnes croyantes sont plus résistantes à l’épreuve. Le rôle des aumôniers est alors précieux pour aider les patients à solliciter leur foi, leurs ressources personnelles afin de ne pas se laisser submerger le jour où la tempête s’abat sur eux. Et on découvre que les croyants ont des ressources incroyables ! Cela les rend plus forts !

La clef de cette solidité, c’est de mettre notre foi en pratique. Car notre texte soulève plusieurs dangers :

  1. Nous pouvons avoir une foi essentiellement intellectuelle, mais qui ne se transforme pas en actes. On peut penser là à ceux que l’on appelle les chrétiens du dimanche : ils apprécient le culte, mais, le reste de la semaine, ils ne soignent pas leur relation intérieure avec Dieu par la méditation de la Bible et la prière. Face à l’adversité, la foi ne leur est d’aucun secours, car elle n’a pas pris racine en eux.
  2. Il y a peut-être des personnes qui croient mais par intérêt personnel. Elles font un marché avec Dieu : si je me conduis bien dans la vie, alors tu épargneras ma vie des difficultés. Malheureusement pour ces personnes, lorsque le vent se lève, que les éléments se déchaînent, elles vont jusqu’à perdre la foi. Car elles ont confondu Dieu avec une assurance tous risques.
  3. Il y a peut-être aussi des personnes pour qui la mise en pratique de la foi ne consiste pas dans le rayonnement de l’amour, mais dans l’application de la loi selon la conception de l’Ancienne Alliance. Or, vous vous souvenez peut-être de ce que Jésus a dû endurer face aux spécialistes de la Loi ! Au point qu’il dira : « Si votre justice ne dépasse pas celle des scribes et des Pharisiens, non, vous n’entrerez pas dans le Royaume de Dieu ». (5,20). Il souligne ici l’importance de nous laisser inspirer par la loi telle que Jésus la réinterprète et non telle que les Juifs traditionnalistes la comprenaient : d’une manière rigide et intransigeante. Jésus n’aimerait pas que notre volonté de bien faire, en obéissant à la loi, nous empêche d’aimer. L’obéissance à la loi telle qu’il la reformule, c’est une obéissance liée à la grâce. Cette grâce, cette disculpation engendre pour nous une libération, mais aussi une responsabilité éthique ; nos actes ont de l’importance. Le don du salut nous invite à la fidélité à Jésus-Christ et à une mise en pratique de ses enseignements. Car la grâce n’est pas un acquis. Elle peut être ruinée par un comportement qui ne s’inscrirait pas dans un appel à l’amour.
  4. Et puis, il y a ceux qui utilisent leur foi comme un faire-valoir, et qui aimeraient épater la galerie avec les guérisons, les miracles qu’ils accomplissent. Nous n’avons pas beaucoup ce type de problème dans notre Eglise, pas assez peut-être !

    La première épître aux Corinthiens, au chapitre 13 fait cette même mise en garde : « Je peux être prophète, avoir l’intelligence de tous les mystères, tout connaître, ma grande confiance peut bien déplacer des montagnes, sans amour je ne suis rien. Je peux partager tout ce que j’ai pour nourrir les bouches, livrer mon corps au bûcher, sans amour je ne suis rien. » Nous voyons qu’il est possible de faire des choses extraordinaires pour Dieu et pourtant de manquer de l’enracinement essentiel : dans l’amour. L’amour pour qui ? Pour Dieu ? Pour notre prochain ? Probablement les deux, car ils vont de pair.

Vous vous souvenez également quand Jésus envoie ses disciples en mission et qu’ils reviennent tout joyeux. Ils s’émerveillent et disent à Jésus « même les démons nous sont soumis en ton nom ». Ils découvrent que lorsqu’ils accomplissent la volonté de Dieu, ils assistent parfois à de grandes choses, à des miracles. Mais là, qu’est-ce que Jésus leur répond ? « Ne vous réjouissez pas de ce que les esprits vous sont soumis, mais réjouissez-vous de ce que vos noms sont inscrits dans le ciel » (Luc 10,20) Notre attention ne devrait donc pas se porter sur ces grandes choses pour en tirer de la fierté, voire de l’orgueil personnel, notre bonheur devant plutôt se focaliser sur le fait que Dieu nous reconnaît comme son enfant, son serviteur, son disciple et qu’il nous emploie dans sa moisson, pour accomplir sa volonté. Et ça, c’est une grande joie, un grand privilège qui parle de l’authenticité de notre foi et de notre engagement sincère pour Dieu.

Oui, comme le dit notre texte, « Il ne suffit donc pas de dire : “Seigneur, Seigneur”, pour entrer dans le Royaume des cieux ; il faut faire la volonté de mon Père qui est aux cieux ». Mais peut-être me direz-vous : « Comment savoir si je fais “la volonté de Dieu” » ? Il n’y a pas de réponse facile à cette question. Accomplir la volonté de Dieu s’enracine dans une attitude intérieure de prière. Je vous encourage à prier chaque matin : « Seigneur, aide-moi à accomplir ta volonté ». Et je vous encourage à avoir une posture intérieure d’écoute et d’ouverture à l’inattendu. En se laissant inspirer par notre lecture de la Bible, par les circonstances de nos vies, par les portes qui s’ouvrent ou qui se ferment, nous pouvons peu à peu percevoir à quoi le Seigneur nous appelle. Parfois, il nous appellera à aider une personne en difficultés, à donner à une personne dans le besoin, à parler avec une personne qui en a besoin, etc. L’important est de demander à Dieu de placer son amour dans notre cœur afin que cet amour nous inspire des pensées, des paroles, des actes qui soient pleinement imprégnés de son amour.

Cet amour est empreint de patience, de bonté et de bienveillance; il ne recherche pas son propre intérêt ; il n’est pas envieux de ce qu’a l’autre; cet amour ne se vante pas, il fuit l’orgueil et ne blesse pas. Il ne soupçonne pas le mal et ne fait rien de malhonnête mais il est empreint de respect et d’estime de l’autre. (Inspiré de 1 Corinthiens 13,1-7)

En résumé, la maison construite sur le roc est celle qui, dans la vie quotidienne du croyant, est fondée sur la grâce de Jésus-Christ. Elle porte tout naturellement des fruits dans la vie quotidienne de celui qui croit : il a des gestes de compassion, il prend l’initiative d’aider, il ne vit pas pour soi, mais s’inscrit dans le prolongement des multiples manières par lesquelles Jésus a manifesté l’amour de Dieu. Dès lors, ne soyons pas fous, aimons Dieu !

Amen

Photo by Alex Motoc on Unsplash