Méditation sur l’épître de Jacques (3)

Yvena Garraud Thomas propose une série de méditations sur l’épître de Jacques.

Voici la troisième de la série :

Dieu : Origine de la tentation ou origine de toutes les bénédictions ? (jacques 1,13-18)

par Yvena Garraud Thomas, pasteure

(Si vous préférez le lire en format PDF, vous pouvez télécharger le texte en CLIQUANT ICI.)

Si Dieu est bon pourquoi la mort ? Pourquoi les maladies et la souffrance ? Qui est responsable de tout ce qui nous arrive ? Est-il possible que le Dieu aimant de Jésus-Christ tente l’être humain ? Est-il imaginable de penser que le Dieu de grâce puisse nous soumettre à la tentation ? Ce sont là des questions inépuisables qui n’ont jamais vraiment reçu de réponses définitives et satisfaisantes.

Dans la sixième demande du Notre-Père, les formules « Ne nous conduis pas dans la tentation », « Ne nous laisse pas succomber à la tentation » « Ne nous soumets pas à la tentation », accusées de faire de Dieu l’initiateur de la tentation, deviennent aujourd’hui, « Ne nous laisse pas entrer en tentation ». Cette nouvelle version semble se rapprocher du texte de Jacques que nous méditons : Dieu ne tente personne (Jc 1, 13).

Jc 1, 13-15 : Dieu ne tente personne 
Que nul, quand il est tenté, ne dise : « Ma tentation vient de Dieu. » Car Dieu ne peut être tenté de faire le mal et ne tente personne. Chacun est tenté par sa propre convoitise, qui l’entraîne et le séduit. Une fois fécondée, la convoitise enfante le péché, et le péché, arrivé à la maturité, engendre la mort.

Jacques refuse l’idée selon laquelle Dieu puisse tenter quiconque. Pour lui, il est inutile de se retourner contre Dieu, contre les autres, contre la fatalité du destin, contre la faute à pas de chance quand nous succombons à la tentation. Cette affirmation très tranchée de Jacques prend place dans un débat assez controversé au sein du judaïsme et du Nouveau Testament. Dans la Bible, Dieu a mis à l’épreuve Abraham (Gn 22, 1), Israël a été mis à l’épreuve (2 Chronique 32, 31), le courroux de l’Éternel excita David et l’incita au recensement (2 Samuel 24, 1). Mais d’après 1 Chronique 21, 1, ce n’est pas Dieu qui a tenté David et qui lui a poussé à recenser ses troupes, c’est Satan. Dans le N-T, la tentation des chrétiens est considérée comme jugement de Dieu (1 Pi 4, 12, 17) ; Dans les évangiles, Jésus fut conduit dans le désert par l’Esprit (Mt 4, 1-11 et //).

Dieu ne tente personne. Il n’est pas un tyran. Il ne dispose pas de nos vies et de nos libertés. A travers l’Evangile, le Christ n’a cessé d’inviter, de proposer, non de disposer : « Si tu veux… » « Que veux-tu que je fasse pour toi ». Dieu est ce mendiant qui se tient à la porte et qui frappe : « Je suis à la porte et que je frappe… » Ap 3, 20

Dieu ne tente pas et ne tente personne nous dit Jacques. L’être humain est le seul responsable. La source de la tentation se trouve en lui seul. Il ne peut s’en prendre qu’à lui-même, contre son propre désir, contre les forces qui l’habitent (séduction de puissances, volonté de domination, soif du pouvoir et la conquête de ce pouvoir, faim de consommation). Le lieu où se joue la tentation c’est la convoitise. Par un processus semblable au ricochet, ce désir de puissance conçoit et engendre la mort. L’être humain se rend complice de la convoitise en s’unissant avec elle.

La tentation n’est pas d’abord l’attrait pour la plaque de chocolat. Il ne faut pas s’arrêter à une vision moralisante. La tentation peut naître dans l’abondance, dans le succès, dans l’épreuve, dans le malheur, autant de situations où la foi est mise en question et l’on est amené à s’éloigner de Dieu. Elle survient lorsque le croyant vient à décider que tout compte fait, il n’a pas besoin de Dieu, Il peut arriver à tout par lui- même et se passer de Lui. Il peut vivre sans Dieu. Il peut tout faire sans Lui. D’où le péché. Le pécheur est avant tout l’homme qui vit séparé de Dieu.

Le rôle extérieur au niveau humain n’est pas nié. Car Jésus menace d’un jugement sévère celui qui éprouve l’innocent, qui scandalise les petits. « Malheureux l’homme par qui la chute arrive » Mt 18, 7. Dans son refus, Jacques ne cherche pas à justifier Dieu. Pour lui, nous ne saurons nous dédouaner de notre responsabilité en rejetant la faute sur Dieu, sur les autres, sur la génétique (« Je suis né-e comme ça » « Ce n’est pas ma faute ». Nous nous en sommes rendus esclaves de nos propres désirs… Nous sommes les seuls responsables.

Dans la crise de la pandémie la notion de la responsabilité ne manque pas de résonner. Grande est la tentation de rejeter la faute sur les autres et lancer des attaques à l’encontre des autorités politiques accusées de manque de transparence, de mauvaise gestion … L’invitation de Jacques ne nous appelle-t-elle pas à ce refus d’accuser qui n’engendre rien de bon, et que c’est dans une responsabilité personnelle et collective, bienveillante, solidaire où chacun s’accueille, se reconnaît et renonce que nous pourrons surmonter cette crise ensemble. 

Jc 1, 16-18 : Dieu est source de tout don parfait
Ne vous y trompez pas, mes frères bien-aimés. Tout don de valeur et tout cadeau parfait descendent d’en haut, du Père des lumières chez lequel il n’y a ni balancement ni ombre due au mouvement. De sa propre volonté, il nous a engendrés par la parole de vérité, afin que nous soyons pour ainsi dire les prémices de ses créatures.

Jacques n’en reste pas là. Il livre la pertinence de son message en nous disant que le fait d’attribuer à Dieu la responsabilité de la tentation c’est se faire une fausse image de Lui. La tentation reste un défi permanent qui nous pousse à revoir notre image de Dieu, à évoquer Dieu autrement et à renoncer aux images que nous projetons sur Lui. Jacques nous invite à une conversion du regard : passer d’une image du Dieu tentateur au Dieu Père. Il est Père des lumières, de bonté. Tout don excellent et parfait vient de Lui. Il est créateur. Il est tout autre.

Il ne change pas. Il est constant. Dans la liberté de son amour, il se lie à chacun. Il n’abandonne pas. Il fait grâce. Il reste notre Père quel qu’en soit le lieu où nous nous retrouvions, quels que soient nos ténèbres, nos morts et nos manquements. Il est le Père fidèle qui attend et accueille les bras ouverts avec joie son enfant parti loin de lui. Il sauve.

Nous ne sommes pas des héros de la foi mais des personnes vulnérables, nés de la chair et de sang, à la fois justes et pécheurs, avec nos forces et nos faiblesses, avec des hauts et des bas, susceptibles de se laisser séduire par le désir de toute puissance, le désir de vouloir échapper à notre condition humaine, à devoir traverser les épreuves. Et c’est justement pour cela il nous faut apprendre à vivre de la grâce et du pardon de Dieu, à recevoir de Lui tout don parfait, à reconnaître que nous avons besoin de sa miséricorde et de nous laisser féconder par sa Parole. Nous n’avons pas besoin de chercher à nous sauver nous-mêmes, par nos propres forces.

Dans cette crise pandémique, les conditions particulièrement difficiles, vulnérables de précarité et de pauvreté le deviennent encore plus. Il y en a qui sont découragés, fatigués, isolés, anxieux ; d’autres ressentent un vide au niveau spirituel. L’épreuve du Coronavirus permet des prises de conscience, elle est aussi un lieu où la tentation peut naître et déstabiliser la vie de foi. Plutôt qu’une assurance illusoire d’être à l’abri des aléas de la vie, nous voulons avoir cette assurance que les évènements ne peuvent nous séparer de l’amour de Dieu. Devant les épreuves et la tentation, nous voulons avoir la certitude de les surmonter parce que Dieu est fidèle et ne permet pas qu’une tentation soit au-dessus de nos forces (1 Co 10, 12-13). 

Face à la tentation deux encouragements :
Méditer la Parole

Toute tentative de combattre la tentation par nos propres forces est vouée à l’échec. Fuyez, nous dit Pierre (2 Pi 1, 4), ce qui veut dire : ancrer notre vie dans la Parole de Dieu, trouver aide et secours auprès du Christ. Lui qui a été exposé à la séduction des passions comme nous. Lui qui a connu le pouvoir destructeur du mal, lui qui a vécu Gethsémani, la souffrance et la solitude, le silence et le cri d’abandon sur la croix. Jésus a combattu la tentation par la Parole de Dieu et a affirmé son obéissance à son Père. Par notre baptême, nous bénéficions des victoires du Christ sur la tentation. Nous sommes engendrés par la parole de vérité, nous dit Jacques. Vérité signifie solide, constant, fiable, stable, fidèle. Dans cette parole créatrice, nous pouvons trouver force et vie pour être des témoins responsables de la création que Dieu nous confie.

Pour combattre la tentation, Jésus a renoncé au miracle du pain, au pouvoir, à la gloire, au miracle du spectacle. Il a triomphé de la tentation grâce à la Parole. Sommes prêts à prendre ce chemin de renoncements ? Pour que la Parole de la bible soit une nourriture pour notre foi, pourquoi ne pas cheminer avec un verset biblique, le mémoriser jour après jour ? Dans les temps de crise que nous traversons, n’est-ce pas porteur de nous accrocher à une Parole venue d’un Autre que nous pouvons seulement accueillir ?

Veillez et priez

« Veillez et priez afin de ne pas tomber au pouvoir de la tentation. L’esprit est plein d’ardeur, mais la chair est faible. » Mt 26, 41. Personne n’étant à l’abri de la tentation, être vigilant et prier : telle est l’attitude du croyant. Qu’allons-nous veiller ? Que risquerait-il d’arriver si nous ne veillons pas ? Chacun-e est invité-e à être attentif à la façon dont cette veille prendra forme pour lui, pour elle et dans quels aspects de sa vie ? La prière est celle dans laquelle Dieu prend un autre visage que le Dieu imaginaire. Le croyant sait aussi que la tentation survient en dépit de sa vigilance et sa prière. C’est pourquoi, il est bon de veiller et prier ensemble, pour se soutenir et s’encourager. Alors prier notre Père de ne pas « nous laisser entrer en tentation », c’est dire :  Préserve-nous de la tentation de t’oublier, préserve-nous d’oublier tes promesses, garde-nous de croire que sommes abandonnés de toi.

Levez-vous, allons…dit Jésus. Debout pour la prochaine étape et marchons vers l’avenir ! « Le monde ancien a disparu. Voici, je fais toutes choses nouvelles ». Ap 21, 4-5. C’est à cette confiance et cette espérance que Jacques nous invite dans ce temps d’incertitude et avec lui tout l’Evangile : confiance en ce Dieu avec nous, de qui vient tout don parfait. « Le monde ancien a disparu. Voici, je fais toutes choses nouvelles ». Que le Père des lumières fasse briller sa lumière dans nos cœurs et annonce un monde nouveau. Qu’il nous bénisse de toutes ses bénédictions ! 

Prière

Dieu notre Père, tu es là avec nous dans toutes nos épreuves ; tu es cloué sur toutes nos croix ; tu meurs de toutes nos morts. Il n’y aucune situation, aucun bonheur, aucun malheur, aucune joie, aucune tristesse, aucune puissance tentatrice, aucune angoisse, aucun souci, il n’existe aucun lieu où tu nous abandonnes. Tu veilles sur chacun de nous.

Ne nous laisse pas entrer en tentation de vivre notre vie sans toi, en comptant sur nos seules forces. Nous te remettons tout ce qui pourrait se glisser dans notre relation avec toi et nous amener à nous séparer de ton amour.

Préserve-nous de rechercher en toi le Dieu de nos images et non le Père présent dans notre existence quotidienne.

Nous réfléchissons déjà aux aspects pratiques que prendront le déconfinement dans nos vies de paroisse, dans nos vies familiales et professionnelles. Fais-souffler sur nos communautés ton Esprit de renouveau, que ta parole de vérité nous fasse vivre comme prémices d’une nouvelle création.

Amen.

 

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