Sachons accueillir sans critiquer les opinions de l’autre

Ce dimanche, la communauté de La BARC a vécu un culte axé sur les sacrements avec un baptême en premier lieu puis ensuite la sainte-cène en seconde partie. Depuis le début du confinement, le repas du Christ n’avait plus été partagé. Ce dimanche, et avec toutes les mesures sanitaires imposées par la pandémie, la communauté a pu vivre à nouveau ce moment fort de la foi chrétienne.

Ce culte a été préparé par Nicole Rochat, Bénédicte Gritti, ainsi que par deux laïcs, Yves-Daniel Cochand et Frédéric Jakob.

Prédication en deux temps et à deux voix sur la base de l’Épître de Paul aux Romains 14,1-9

En lien avec le baptême par Nicole Rochat

« Accueillez celui qui est faible en la foi sans critiquer ses opinions ». Cette phrase me fait du bien ! J’entends qu’elle dit d’accueillir celui qui est faible en la foi. Ça me fait du bien parce que je me dis qu’on va m’accueillir si, un jour, je suis faible dans ma foi, ouf !

Est-ce que vous avez eu parfois peur qu’on vous rejette parce que vous n’auriez pas assez de foi ?

On entend des fois des jeunes qui racontent qu’alors même qu’ils commencent un métier, un apprentissage, on ne leur laisse pas vraiment de droit à l’erreur. Ils doivent être bons tout de suite.

Il me semble que, souvent, on voit l’Église de la même manière. On pense qu’elle est là pour les gens très croyants. Du coup, si on ne se sent pas très croyant, on n’est pas sûr d’y avoir sa place !

Pourtant, si Jésus nous mandate pour faire des disciples, pour baptiser, cela signifie que l’on doit avoir le droit de commencer un chemin de foi dans l’Église, qu’elle est même le lieu pour y faire ses premiers pas dans la foi. On a le droit de ne pas être très sûr, d’avoir des doutes, tout en avançant tout de même, un peu comme Thomas qui vient de traverser les eaux du baptême et qui va faire ses premiers pas dans la foi, avec ses parents, avec ses petits camarades de l’éveil à la foi ou du p’tit caté.

Un peu comme le Thomas dont nous parle l’Évangile de Jean. Après la mort de Jésus, certains disciples racontent qu’ils ont vu le Seigneur ressuscité. Mais Thomas ne peut pas y croire, c’est impossible ! Quelqu’un qui est mort, il est mort, c’est fini ! Si on croit qu’on l’a vu au coin d’une rue c’est une hallucination, ce n’est pas vrai. Donc Thomas dit à ses potes, les autres disciples : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je n’y mets pas mon doigt et si je ne mets pas ma main dans son côté, je ne croirai pas. » (Jean 20,25). Sauf que Thomas n’arrivait pas à concevoir que Jésus puisse ressusciter, vivre à nouveau, tout en étant bien réel. Et il n’avait pas non plus compris que Dieu, ou Jésus entend vraiment ce qu’on pense, ce qu’on dit, si bien que Jésus est venu lui apparaître à lui, directement, pour qu’il puisse voir et toucher le ressuscité, puisque c’était là son besoin. Et lorsque cela arrive, quelques heures ou quelques jours seulement après qu’il l’a dit à ses amis, Thomas s’exclame : « Mon Seigneur, et mon Dieu ! ». Il a tout d’un coup compris plein de choses qu’il n’arrivait pas à saisir avant. Alors même qu’il était disciple de Jésus, il l’avait suivi, il l’avait vu faire plein de miracles, il l’avait entendu enseigner, donc il savait beaucoup de choses sur Jésus, mais, ce qui lui manquait, c’était ce déclic qui l’a poussé à s’exclamer : tu es mon Seigneur et mon Dieu ! Et ce genre d’expérience, lorsque cela vous arrive, vous ne pouvez plus les oublier, vous ne voulez plus avancer dans la vie en faisant abstraction de cela, car c’est trop fort ! Je crois que c’est cela, avoir la foi. Il y a un avant et il y a un après. Jésus parle de naître de nouveau, car, certes, on est tous nés une fois, sinon on ne serait pas là ce matin, mais naître à cette conscience de l’existence de Dieu, de sa bonté, de sa présence à nos côtés, c’est comme naître à une troisième dimension qui donne une profondeur, une intensité à notre vie, et un sens nouveau du fait de notre relation avec Dieu.

Mais pour arriver à cela, on a besoin de faire nos premiers pas dans la foi, et on peut les faire à tout âge, jeune ou moins jeune. Il n’y a pas d’âge pour découvrir le Seigneur. Parfois, on pense avoir la foi et soudain, il y a un événement, souvent douloureux dans notre vie, et nos yeux s’ouvrent et on accède alors à une foi encore beaucoup plus grande, plus solide, inébranlable. Comme Job, qui dit « Mon oreille avait entendu parler de toi, mais maintenant mon œil t’a vu. » (Job 42,5). Job pensait connaître Dieu, mais au travers de toutes les difficultés, les deuils qu’il a traversés, tout d’un coup, il a réalisé des choses auxquelles il ne s’attendait pas. Ses yeux se sont comme ouverts. Ce qu’il n’arrivait pas à croire avant, lui apparaissait tout d’un coup comme une évidence. Il me semble que c’est cela, avoir la foi.

En lien avec la sainte-cène par Bénédicte Gritti

Aujourd’hui, jour particulier en une époque particulière.

Nous avons aujourd’hui la joie de communier au corps et au sang de notre Seigneur aux conditions imposées par les mesures sanitaires actuelles.

Communier, cela ne nous est pas arrivé depuis le mois de mars.

Pour ma part, depuis le mois de mars c’est comme si j’étais entrée en jeûne ; et un repas essentiel dans l’équilibre de ma vie spirituelle est absent depuis trop longtemps.

Pour d’autres, peut-être qu’au contraire cette période d’abstinence rééquilibre leur vie spirituelle.

Je sais que pour certains, communier chaque dimanche était de trop, parce que la sainte-cène est un moment sacré à consommer avec modération. Un moment qui nécessite une implication du cœur et de l’esprit qui pourrait bien être de moins en moins efficiente dès lors que ce repas devient « une habitude ». Terme que j’utilise de manière un peu provocatrice, parce que je ne crois pas que lorsqu’une sensation de faim tenaille l’estomac, prendre un repas soit vécu comme une habitude. Or, ma foi est constamment « faim qui tenaille l’estomac. »

Devant nos divergences d’opinions, nous aimons alors discuter et argumenter, cherchant à asseoir notre position et cherchant à savoir qui de vous ou de moi peut être au plus proche de la vérité ou tout du moins le plus respectueux devant cet événement que l’on déclare sacré.

Dans l’histoire, les Églises se sont largement divisées sur des questions d’opinion au lieu d’accueillir les différences.

Paul, dans ce texte de Romains appelle à un accueil inconditionnel. « Que celui qui mange ne méprise pas celui qui ne mange pas, et que celui qui ne mange pas ne juge pas celui qui mange, car Dieu l’a accueilli ».

Et plus loin : « Celui qui mange, c’est pour le Seigneur qu’il mange, car il rend grâce à Dieu ; celui qui ne mange pas, c’est pour le Seigneur qu’il ne mange pas : il rend aussi grâce à Dieu ».

Ainsi, nous sommes invités à comprendre nos divergences plutôt comme des richesses que comme des opportunités à condamner l’autre ou à se glorifier soi-même.

Paul appelle dans son épître à reconnaître l’autre comme un frère dès lors que tous nous sommes serviteurs de Dieu et non pas concurrents.

C’est pour moi un message fondamental qui me rappelle sans cesse qu’il me faut m’élever au dessus de mes instincts premiers. Parce que vous le savez aussi bien que moi, la critique est facile, et le jugement tout autant.

Il est donc vital de se souvenir que devant Dieu, nous sommes tous égaux, car ce qui fonde notre identité en Dieu, c’est la relation que nous entretenons avec lui. Et de cela, hormis Dieu lui-même, personne n’est juge.

Ainsi, ce qui me fonde, ce n’est pas le regard que les autres posent sur moi, mais ma propre fidélité à Dieu.

Et dès lors, il est question de responsabilité individuelle et de discernement. Il s’agit alors de discerner si le fruit de mon action peut rendre grâce à Dieu ou non. Lui suis-je fidèle ou non ? L’important n’est donc pas de savoir ce que je mange ou ne mange pas, ni en quelle quantité ou à quelle fréquence, mais bien plutôt de savoir si dans ce que je me prépare à faire, je peux rendre grâce à Dieu.

Si oui, personne ne peut alors m’en empêcher.

Au moment où nous sommes invités à la table de communion, Paul nous inviterait à discerner en nous si ce que nous nous apprêtons à vivre est une manière de rendre grâce à Dieu ou non. Il ne s’agit pas d’obéir à une loi, ou à un usage, une tradition, mais il s’agit d’un acte personnel empreint d’une conviction profonde. C’est ce que l’on nomme la liberté chrétienne.

Ainsi, le temps de la sainte-cène devrait également être un signe de cette liberté chrétienne. Il ne devrait pas s’agir d’un acte accomplit par habitude, ni par souci d’un qu’en dira-t-on, mais bien d’un acte de foi vécu et accomplit dans la fidélité au Seigneur, un acte de discernement personnel empreint d’une conviction profonde. Dès lors il n’est plus question de savoir s’il est bien ou non de le vivre régulièrement, de le vivre aux grandes occasions ou une fois par mois. Il est question de savoir au moment précis où je suis invitée si ma disposition intérieure sera l’occasion de rendre grâce à Dieu. Et donc d’accepter ou de renoncer à l’invitation en toute conscience.

Là encore, peut-être est-il nécessaire de transcrire ce « rendre grâce à Dieu ». Qu’est-ce que cela signifie ?

Est-il nécessaire d’être propre et sans tâche pour accéder à la table ? Devons-nous être sans péché pour utiliser un vocabulaire un peu archaïque, ou bien au contraire devons-nous rapidement nous découvrir des fautes que le repas aux côtés du Christ nous permettrait tout aussi rapidement d’effacer ?

Encore une fois, le discernement personnel devrait permettre de nous tenir devant le Seigneur avec ce que nous sommes au moment de nous approcher de la table. Il n’y a aucune loi qui régisse l’attitude à avoir, ou le ressenti du moment. Aucune loi qui risquerait de fausser la relation que nous nous apprêtons à vivre avec le Christ dans ce repas.

Chaque fois, nous devons par le discernement personnel découvrir si notre manière de rendre grâce à Dieu en nous approchant de la table sera de l’ordre de l’appel au secours ou de l’ordre de la reconnaissance. Sentons-nous que notre réponse à l’invitation sera une manière d’être en communion avec le Christ et si oui, de quelle manière ?

On peut s’approcher de la table avec une faim de protection, de réconfort, de soutien, comme l’on peut s’approcher de la table avec une faim de reconnaissance et de louange. Entre ces deux pôles, les variations sont infinies.

Et il y a toutes les raisons qui font aussi que nous ne nous sentons pas d’approcher la table. Là encore, les raisons qui nous sont propres sont infinies.

Et toutes ces attitudes, toutes ces décisions appartiennent à chacun et sont de l’ordre de la liberté chrétienne.

A l’égal de Paul, je souhaiterais nous inviter à nous souvenir que nous devrions faire preuve d’un accueil inconditionnel quelques soient les décisions des uns ou des autres de s’approcher ou non de la table. L’important étant de vivre ce moment en adéquation avec ce que nous sommes à ce moment-là, en authenticité, et dans la fidélité à notre Seigneur.

Amen.

Prière d’action de grâce

A ta table, Seigneur, nous avons goûté le pardon et la fête.

Déjà tu courais à notre rencontre, depuis toujours, tu nous attendais.

Tu as comblé notre cœur, tu nous as rassasié de pain et d’amour.

Donne-nous , à notre tour, d’être accueillants, de permettre à ceux que nous croisons de goûter la fête et l’amitié, aujourd’hui et toujours.

Amen.