Allez tranquillement…

Offerte à la méditation d’aujourd’hui, une page tirée de « Comme un chant d’espérance » de Jean d’Ormesson.

Dans les dernières années du XVIIe siècle était affiché dans l’église de Baltimore, petite ville anglaise établie depuis peu au fond de la baie de Chesapeake, dans le Maryland, le texte suivant que je dois – vivent les libraires, si menacés aujourd’hui! – à l’obligeance de l’excellente librairie « Le Bleuet » à Banon, dans les Alpes-de-Haute-Provence.

Le nom de Dieu n’apparaît pas dans ces lignes anonymes, dépourvues de signature. Elles donnent, me semble-t-il, une image assez belle et assez haute de ce que peut être, aujourd’hui comme hier, une vie d’homme ou de femme dans ce monde plein de tumultes.

Allez tranquillement parmi le vacarme et la hâte
et souvenez-vous de la paix qui peut exister dans le silence.
Sans aliénation, vivez autant que possible
en bons termes avec toutes personnes.
Dites doucement mais clairement votre vérité.
Écoutez les autres, même les simples d’esprit
et les ignorants:
ils ont eux aussi leur histoire.
Évitez les individus bruyants et agressifs:
ils sont une vexation pour l’esprit.
Ne vous comparez avec personne:
il y a toujours plus grands et plus petits que vous.
Jouissez de vos projets aussi bien que de vos
accomplissements.
Ne soyez pas aveugle en ce qui concerne
la vertu qui existe.
Soyez vous-même.
Surtout n’affectez pas l’amitié.
Non plus ne soyez pas cynique en amour car il est,
en face de tout désenchantement, aussi éternel que l’herbe.
Prenez avec bonté le conseil des années
en renonçant avec grâce à votre jeunesse.
Fortifiez-vous une puissance d’esprit
pour vous protéger en cas de malheur soudain.
Mais ne vous chagrinez pas avec vos chimères.
De nombreuses peurs naissent de la fatigue
et de la solitude.
Au-delà d’une discipline saine, soyez doux avec vous-même.
Vous êtes un enfant de l’univers.
Pas moins que les arbres et les étoiles.
Vous avez le droit d’être ici.
Et qu’il vous soit clair ou non,
l’univers se déroule sans doute comme il devait.
Quels que soient vos travaux et vos rêves, gardez,
dans le désarroi bruyant de la vie, la paix de votre cœur.
Avec toutes ses perfidies et ses rêves brisés,
le monde est pourtant beau.