Reflets de l’aube pascale 2021

Dans la nuit, des pèlerins de l’aube se sont réunis au temple de Colombier. Voici quelques reflets de ce qui a été vécu, dans l’espérance de l’aube à venir.

Textes et réalisations: Sonja Vaucher, Antoinette Rausis, André Feller, Frédéric Jakob et Diane Friedli

 

L’obscurité ne peut chasser l’obscurité.
Seule la lumière le peut.
La haine ne peut chasser la haine.
Seul l’amour le peut.

Martin Luther King

Le Christ est mort. Il a été crucifié. Et depuis sa mort, le monde est plongé dans l’obscurité. Nous voici réunis alors que la nuit envahit encore le monde.

Rassemblés parce qu’une espérance est nôtre : nous croyons que Dieu est lumière. Nous croyons que Dieu est amour. Par sa lumière, Dieu saura faire reculer l’obscurité. Par son amour, il saura combattre la haine. Par la Résurrection, il saura mettre la mort en échec.

Telle est notre foi et notre espérance qui nous permettent, alors même que la nuit est encore présente, de croire en une aube à venir.

Nuit de silence
Jésus repose dans son tombeau.
Tout est fini se disent les disciples.
Dieu s’est tu.
Mais ton silence Seigneur
n’est pas le silence de la mort :
que tout en moi se taise et s’apaise
pour découvrir la Vie qui jaillit de son silence,
pour voir ta lumière
éclairer la nuit d’un feu nouveau
et pour qu’apparaisse dans le doute
un chemin d’espérance.

Seigneur fais-moi grâce
de ne pas fuir devant ton silence,
mais d’attendre avec patience
le murmure doux et léger de ton amour. Amen

(d’après « Faire silence » de Soeur Lina dans Livre de Prières, Olivétan)

Récit

C’est au cœur du silence de la nuit, alors que les Égyptiens dormaient, que les membres du peuple de Dieu sont sortis, sans bruit, de leurs maisons. Hommes, femmes, enfants et vieillards, le cœur tapant, conscients du moment unique qu’ils vivaient, retenaient leur souffle en longeant les ruelles jusqu’à la sortie de la ville. Il savaient le danger qu’ils couraient si l’alerte était donnée, ils allaient prudemment. Prenant confiance, pas après pas et sentant brûler en eux cette folle espérance.

N’était-ce pas un peu fou de remettre ainsi leur destinée à une hypothétique promesse de liberté ? Quelle destinée?!? Quelle valeur a l’existence d’un esclave ? Qu’avaient-ils à perdre ? Quelle vie avaient-ils à offrir à leurs enfants ?

Et puis il y avait lui. Moïse. On aurait pu le suivre au bout du monde. N’est-ce pas d’ailleurs ce qu’ils allaient faire ? Il semblait si proche de Dieu. Si inspiré. Le peuple avait choisi de lui faire confiance. C’était désormais entre ses mains que reposait leur avenir. Sous le regard de Dieu, dans les pas de son guide, le peuple se mit en marche.

Un peuple qui marche. Ce sont des individus qui cherchent leur voie. C’est une collectivité qui va de l’avant, ensemble. Ce sont des femmes, des hommes, des adultes et des enfants qui se mettent en route vers la vie. Dans l’incertitude du chemin, mais dans la confiance du sens de la marche. Dieu les guidera.

Allons! Peuple de Dieu, mets-toi en route!

Au bord du lac

Chers pèlerins, nous avons bien marché et il paraît que Dieu nous guide, nous ne sommes pas poursuivis par un hypothétique ennemi arrêtons-nous un moment. Le peuple qui suivait Moïse en a vu de toutes les couleurs dans le désert autour du Mont Sinaï. Ce jour ils s’arrêtent pour camper, mais ils se plaignent et il y a de quoi, plus d’eau à boire pour le peuple !

Cette marche de libération est décidément parsemée d’entraves, de frustrations et de souffrances. Ça râle, ça gronde, ça menace. Certains prennent des pierres dans leurs mains et font face à Moïse. «Pourquoi nous a-t-on fait venir ici, pour y mourir de soif ?»

Marcheurs de l’Aube, repensez maintenant à cette année passée à tourner en rond. Oui il y a de quoi se plaindre, d’être frustré, même d’être en colère et de vouloir le dire à Dieu. Prenez le temps de vous remémorer.

Vous pouvez maintenant ramasser un galet là entre le lac et le sable et «graver» votre plainte, votre frustration ou votre colère sur votre pierre. (Feutres délébiles à disposition)

Avec les pierres qu’il avait dans la main, le peuple allait lapider Moïse… Avec nos pierres ce matin, transformons cette agression en création. Déposez votre galet ici sur le sable, les uns sur les autres. Selon votre créativité.

Reprenons la marche!

Au bout de la grève

Depuis des jours le peuple marche sous le soleil étouffant du désert. Ils ont soif. Comme on vient de le vivre, le peuple murmure, gronde, se plaint et souffre…. ils sont à bout de force. Les uns meurent.

Je suis sûr·e que comme eux, vous avez un jour ressenti la soif. Retrouvez en vous ce que vous avez ressenti, ce dessèchement de la gorge, cette langue pâteuse, ce mal de tête, cette inquiétude, cette envie que cela s’arrête….

C’est alors que Moïse menacé, obéit à l’appel de Dieu. Il prend son bâton. Frappe le rocher et l’eau jaillit. Il y a de l’eau pour chacune pour chacun. On y porte les plus affaiblis. Boire et boire encore jusqu’à étancher sa soif, se sentir revivre. Vous, vous souvenez-vous de cet instant où le cauchemar s’est arrêté ? Cette fraîcheur, ce bien-être, cet apaisement. Pour le peuple d’Israël, c’est comme une nouvelle aube. C’est l’espoir, le courage retrouvés, la force de se remettre en marche.

Quant à nous, Peuple de Dieu d’aujourd’hui, nous avons fait part de nos frustrations, de notre tristesse, de notre colère, peut-être. Nous les avons gravées sur la pierre. Cependant, nous avons construit ensemble des œuvres éphémères et les avons confiées à la nature, à Dieu, comme un appel. Aujourd’hui, alors que nous sommes piégés par ce virus qui change nos vies, notre démarche de ce matin, notre cheminement, n’est-ce pas une façon de boire un peu de cette eau qui a jailli ? Cette eau qui nous rassure, qui nous guide et qui nous fait garder espoir.

Admirons le soleil qui se lève.

Pour partager un peu de cette eau, nous vous proposons d’envoyer une carte postale à une personne de votre choix pour prolonger avec lui, avec elle, cette espérance de Pâques.

(mise à disposition de cartes, enveloppes, stylos et timbres)

En chemin

Massa et Mériba. C’est le nom qui a été donné à cet endroit. Le lieu du rocher d’où l’eau a jailli. Massa et Mériba signifient « épreuves » et « querelles », parce que les Israélites avaient cherché querelle à Moïse et mis Dieu à l’épreuve. Assoiffé et révolté, le peuple a lancé cette question : « Le Seigneur est-il parmi nous, oui ou non ? »

« Le Seigneur est-il parmi nous, oui ou non ? » voici la question que nous voulons thématiser ici. Je vous propose de faire 2 qui se font face. Lorsque nous répondons « oui » à cette question, nous nous tournons vers la lumière; lorsque nous répondons « non » nous tournons le dos au soleil. Ensemble, le peuple comme un seul homme se tourne.

Le Seigneur est-il parmi nous ? Oui. Le Seigneur est-il parmi nous ? Non.
Le Seigneur est-il parmi nous ? Oui. Le Seigneur est-il parmi nous ? Non.

Maintenant, reprenons la position de départ en nous regardant, deux lignes qui se font face. Notre Pâques est un peu particulière en 2021. Nous ne mourons pas de soif, mais nous souffrons d’un manque de relations sociales, nous souffrons de maladie et d’isolement. Alors la question « le Seigneur est-il parmi nous, oui ou non ? » est sur toutes les lèvres.

A Pâques, nous proclamons le Seigneur ressuscité, vivant. Oui, il est parmi nous ! Faisons un pas en direction de l’autre en face de nous et reconnaissons le Seigneur dans nos frères et sœurs ce matin.

Le Seigneur a aussi affirmé : Quand deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux. Le soir avant sa crucifixion, le jeudi soir, Jésus partagea un dernier repas avec ses amis, prit du pain, le bénit, le rompit et le donna à ses amis en disant : « Ceci est mon corps livré pour vous, faites ceci en mémoire de moi ». Partageons un morceau de tresse en nous souvenant que le Seigneur est parmi nous.

Prions.
Nous croyons, Seigneur, viens au secours de notre incrédulité.
Apprends-nous à te reconnaître comme un de nos frères ici en face de nous, toi qui nous montre le chemin.
Nos cœurs sont remplis d’allégresse parce que nous pouvons te reconnaître parmi nous ce matin de Pâques, ressuscité maintenant. Amen

Reprenons notre marche!
(passage par la boîte aux lettres pour poster les cartes)

 

Au temple

Christ est ressuscité ! Il est vraiment ressuscité !
L’eau a jailli. La lumière a envahi le monde de sa douceur.
De nos silhouettes inconnues dans l’obscurité, l’aube a révélé nos visages. Et nous célébrons ensemble cette vie plus forte que la mort. Et la présence du Christ ressuscité dont je reconnais les traits dans le visage de ma sœur, de mon frère.

Écoutons une dernière fois le récit qui nous a accompagné dans notre marche.

Toute la communauté des fils d’Israël partit du désert de Sîn, poursuivant par étapes son périple sur ordre du Seigneur. Ils campèrent à Refidim mais il n’y trouvèrent pas d’eau à boire.
Alors le peuple chercha querelle à Moïse :
– Donnez-nous de l’eau à boire, dirent-ils.
Moïse leur répondit :
– Pourquoi me cherchez-vous querelle ? Pourquoi mettez-vous le Seigneur à l’épreuve ?
Là, le peuple avait soif ; le peuple murmurait contre Moïse en disant :
– Pourquoi donc, nous as-tu fait monter d’Égypte ? Pour me laisser mourir de soif, moi, mes enfants et mes troupeaux ?
Moïse cria vers le Seigneur :
– Que dois-je faire pour ce peuple ? Encore un peu, ils vont me lapider !
Le Seigneur dit à Moïse :
– Passe devant le peuple et prends avec toi quelques anciens d’Israël. Le bâton dont tu as frappé le Nil, prends-le en main et va. Je vais me tenir devant toi, là, sur le rocher – en Horeb. Tu frapperas le rocher, et il en sortira de l’eau et le peuple boira.
Moïse fit ainsi, sous les yeux des anciens d’Israël.
Il appela ce lieu du nom de Massa et Mériba – Epreuve et Querelle – à cause de la querelle des fils d’Israël et parce qu’il mirent le Seigneur à l’épreuve en disant :
– Le Seigneur est-il au milieu de nous, oui ou non ?

Dans le livre de l’Exode, au chapitre 17, versets 1 à 7

Ce peuple en marche nous a accompagnés ce matin. Ces hommes, ces femmes, ces enfants appartiennent à un passé lointain. Mais leurs douleurs, leurs révoltes et leur soif ont aussi été un peu les nôtres. Nous avons fait nôtre leur joie de l’eau qui jaillit et qui marque le retour à la vie. Ils ne sont plus pour nous de lointains étrangers.

Dans les instants de doute, la tentation est forte de vouloir tourner les talons. Renoncer à avancer vers l’inconnu quitte à ce que le prix à payer soit de retrouver un passé de servitude. Quel est le sens de la marche ? Vers où mes pas me dirigent-ils ? Tout cela a-t-il un sens ?

Moïse le guide a risqué sa peau pour que le peuple n’aille pas à contre-courant. Pour qu’il ne renonce pas à la liberté. Pour qu’il ne se détourne pas du projet de vie que Dieu avait dessiné pour lui.

En ce matin de Pâques, nous nous souvenons que Jésus est allé jusqu’à la croix pour que l’humanité sache que le projet de vie de Dieu est plus fort que tout, plus fort même que la mort.

Rester fidèle au projet de Vie de Dieu, voilà ce qui tenait aussi la jeune juive Etty Hillesum qui écrivait ceci.

Rester fidèle à tout ce que l’on a entrepris dans un moment d’enthousiasme spontané, trop spontané peut-être. Rester fidèle à toute pensée, à tout sentiment qui a commencé à germer.

Rester fidèle, au sens le plus universel du mot, fidèle à soi-même, fidèle à Dieu, fidèle à ce que l’on considère comme ses meilleurs moments.

Et, là où l’on est, être présent à cent pour cent.

Etty Hillsum, Une vie bouleversée

Rester fidèle. Fidèle à Dieu. Fidèle à soi. Fidèle à la route qui nous emmène toujours vers demain, vers la lumière, vers la Vie.

Tel est l’appel de Pâques.
Christ est ressuscité !
La mort ne le tient plus. Il est vivant.
Et de cette vie en plénitude, il renouvelle nos existences.

Gloire soit à Dieu et au fils Ressuscité !

C’est accompagnés des mots de François Cheng que nous repartons maintenant dans la vie :

Pourtant il nous reste encore à célébrer comme tu le fais
Célébrer ce qui, jailli d’entre nous, tend encore vers la vie ouverte
Ce qui d’entre les chairs meurtries, crie mémoire
Ce qui d’entre les sangs versés, crie justice
Seule voie en vérité où nous pourrions encore honorer les souffrants et les morts

Chacun de nous est finitude
L’infini est ce qui naît d’entre nous fait d’inattendus et d’inespérés
Célébrer l’au-delà du désir, l’au-delà de soi
Seule voie en vérité où nous pourrions encore tenir l’initiale promesse
Célébrer le fruit, plus que le fruit même mais la saveur infinie
Célébrer le mot, plus que le mot même mais l’infinie résonance

Célébrer l’aube des noms réinventés
Célébrer le soir des regards croisés
Célébrer la nuit au visage émacié
Des mourants qui n’espèrent plus rien mais qui attendent tout de nous
En nous l’à-jamais-perdu
Que nous tentons de retourner en offrande
Seule voie où la vie s’offrira sans fin paumes ouvertes

Cinq méditations sur la mort autrement dit la vie François Cheng

Paumes ouvertes et tout notre être relevé, c’est debout que nous recevons la bénédiction de Dieu.

Dieu vous bénit et vous garde dans sa lumière en ce jour de Pâques et chaque jour qu’il nous donne à vivre.

Le Père guide nos pas et donne sens à notre marche.
Le Fils ressuscité renouvelle en nous la joie
L’ Esprit saint insuffle la Vie.
Que la bénédiction de Dieu renouvelle nos existences !

Amen