Vous êtes mes amis

Prédication du dimanche 28 avril 2024 au temple de Colombier. Lectures bibliques: Esaïe 12,1-6 et Jean 15,9-17

L’Église, c’est pas drôle!
Parce que les affaires religieuses sont des choses sérieuses. Alors il n’est pas question de rire. Notre Église traîne des siècles de réputation d’austérité. Une réputation qui ne vient pas de nulle part et qu’elle entretient encore souvent.

Il y a toujours quelque part le soupçon que si on s’amuse, c’est que l’on ne prend pas l’affaire suffisamment au sérieux. Ose-t-on rire sans qu’immédiatement on nous soupçonne de nous moquer de Dieu? Peut-on être joyeux sans que cela paraisse de la désinvolture?

Nos cultes ne sont pas les lieux les plus risqués, ils sont rarement soupçonnés de manquer de sérieux ou d’être trop rigolo. Dans le domaine de la catéchèse, c’est autre chose. Il demeure encore parfois l’idée que si on s’amuse au KT c’est qu’on n’est pas sérieux. Comme si pour faire la connaissance de Dieu, il fallait forcément souffrir et s’ennuyer.

Il est vrai que le rire n’occupe pas une place de choix dans les textes bibliques. On n’a pas trace que Jésus aurait ri avec ses disciples. On n’en a pas trace mais cela ne signifie pas que cela ne s’est pas passé. Et je leur souhaite d’avoir partagé des moments de rire, en fin de journée alors qu’ils étaient tous réunis autour d’un repas.

Mais des moments de joie, de réjouissance, de retrouvailles, d’amitié, il y en a plein. La joie occupe une place importante dans les textes bibliques, et – je l’espère – elle occupe également une place importante dans vos vies et notre vie communautaire. Dans l’Ancien Testament, la joie est intimement liée à la paix. Une paix et une joie qui ne seront complètes que dans le temps du salut. Elles s’inscrivent donc dans l’espérance eschatologique de la fin des temps.

La joie véritable adviendra alors dans toute sa plénitude. De cette joie, le croyant et la croyante peut déjà en vivre les prémices. Comme une ouverture sur ce qui sera, un avant-goût sur la plénitude. « Avec joie, puisez aux sources du salut » dit Ésaïe.

Les prémices de la joie parfaite se vivent dans le temps tout à fait particulier qu’est celui de la célébration. C’est ainsi que nous retrouvons dans plusieurs psaumes les cris de joie. Des acclamations liturgiques qui font vivre quelque chose de la joie. Les images qui nous viennent en tête sont peut-être plus celles des célébrations orientales, faites de chants, de senteurs et de danses que nos cultes protestants. Mais prenons conscience que la célébration est l’occasion de vivre déjà quelque chose de la joie eschatologique et laissons-la habiter nos chants, nos prières, nos échanges.

La joie trouve sa source dans le cœur. Elle relève du bien-être, du contentement mais aussi de l’harmonie. Pour reprendre un terme qui est souvent utilisé dans le développement personnel, la joie relève de l’alignement de soi avec ses convictions, son histoire, ses valeurs. Et elle est vécue comme une bénédiction lorsqu’on reconnaît en Dieu son origine véritable.

Ce qui est intéressant, et peut-être qui distingue la joie du simple bonheur, c’est que celle-ci peut aussi cohabiter avec la souffrance. D’un bonheur peut-être plus immédiat, lié aux conditions extérieures de la vie, la découverte de la joie a quelque chose de plus intérieur. Plus essentielle. Qui transcende le contexte de vie. On connaît de nombreux témoignages de martyres ou de personnes qui ont traversé de grandes souffrances physiques ou psychiques qui témoignent avoir toujours trouvé au plus profond d’elles-même la présence de cette joie.

La joie est la liberté donnée au croyant de vivre aligné avec Dieu en dépit des angoisses et des épreuves. Jean, lui, ne parle pas d’alignement. Il utilise le verbe demeurer. Demeurer en Dieu. Il y a dans ce terme tout le contraire de la passivité que l’on pourrait entendre dans le synonyme rester. Pour demeurer, il s’agit sans cesse de se réajuster, d’établir sa demeure,d’y faire son nid.

Du même amour qu’il a reçu du Père, le Christ aime les siens. Et les appelle, alors qu’il leur transmet le centre du message de l’évangile dans son discours d’adieu, à demeurer dans cet amour. Il les appelle à prendre soin de cet amour, à l’entretenir, à ne pas le laisse s’étioler.

On a beau habiter le même logement pendant des années, on n’y entre pas une fois pour toute. Tous les jours, on déplace des objets, on y fait du ménage, on s’installe un temps au salon puis on s’active dans une autre pièce. Parfois on change un meuble, on change la décoration, pour en faire notre lieu de vie. Établir sa demeure n’est pas quelque chose de figé, c’est vivant !

Demeurez dans l’amour de Dieu, c’est s’y trouver bien chaque jour. Pour demeurer en Dieu et vivre de sa joie, l’évangéliste Jean donne deux élément : l’amour et l’obéissance aux commandements.

L’amour, cela nous semble assez évident. Pour vivre dans la joie, il est primordial d’aimer et de se savoir aimé. De se sentir accueilli et chéri. Sans amour, pas de joie.

Mais l’obéissance aux commandements comme critère de la joie, c’est un peu plus interpellant. En hommes et en femmes libres et nous revendiquant comme tels, il nous est un peu contraire de considérer positivement l’obéissance.

Le serviteur obéit par devoir. Il ne lui est pas demandé de comprendre les ordres, encore moins d’y adhérer. Il est attendu de lui qu’il effectue ce qui lui est ordonné. Mais Jésus dit : je ne vous appelle plus serviteurs, je vous appelle amis. L’ami est invité à l’obéissance. Non plus par devoir, mais par adhésion.

Obéir, c’est mettre en pratique. Et Jésus ajoute : vous avez tout pour comprendre. Ce que j’ai appris de mon Père, je vous l’ai transmis. Tout nous est donc donné pour que nous puissions obéir par adhésion, comme des amis.

L’amour chrétien, c’est mettre en pratique les commandements.
L’obéissance au commandements, c’est mettre en pratique l’amour.

C’est quand même assez inouï : le fils de Dieu nous considère comme ses amis. Dans aucune autre religion, une telle relation est possible. Une distance est toujours maintenue entre le divin et l’humain. Mais à nous, le Christ dit : tu es mon ami. Si ça, cela ne nous remplit pas de joie !?!

Nous avons le privilège de pouvoir entretenir avec le Christ cette relation de proximité. Qui nous permet de lui confier en toute simplicité ce que nous avons sur le cœur. Comme nous le faisons avec un proche, ou même plus encore car justement il est parfois difficile d’ouvrir son cœur à un de nos proches. Mais avec lui, nous le pouvons.

Nous sommes ses amis.
Et les amis que nous sommes sont appelés à exercer dans la joie la mise en pratique des commandements et de l’amour.
Que notre amitié soit fidèle !
Amen