Un festin incontournable

Aujourd’hui, dimanche des Rameaux, Jésus entre à Jérusalem. Et c’est la fête. Les gens l’acclament sur son passage. Le peuple est en liesse. Mais c’est à une autre fête que l’on vous entraîne maintenant, qui a toute son importance aussi. Voyez plutôt!

En ce temps-là,
au cours du repas chez un chef des pharisiens,
en entendant parler Jésus, un des convives lui dit :
« Heureux celui qui participera au repas
dans le royaume de Dieu ! »
Jésus lui dit :
« Un homme donnait un grand dîner,
et il avait invité beaucoup de monde.
À l’heure du dîner, il envoya son serviteur
dire aux invités :
“Venez, tout est prêt.”
Mais ils se mirent tous, unanimement, à s’excuser.
Le premier lui dit :
“J’ai acheté un champ,
et je suis obligé d’aller le voir ;
je t’en prie, excuse-moi.”
Un autre dit :
“J’ai acheté cinq paires de bœufs,
et je pars les essayer ;
je t’en prie, excuse-moi.”
Un troisième dit :
“Je viens de me marier,
et c’est pourquoi je ne peux pas venir.”
De retour,
le serviteur rapporta ces paroles à son maître.
Alors, pris de colère,
le maître de maison dit à son serviteur :
“Dépêche-toi d’aller sur les places
et dans les rues de la ville ;
les pauvres, les estropiés, les aveugles et les boiteux,
amène-les ici.”
Le serviteur revint lui dire :
“Maître, ce que tu as ordonné est exécuté,
et il reste encore de la place.”
Le maître dit alors au serviteur :
“Va sur les routes et dans les sentiers,
et fais entrer les gens de force,
afin que ma maison soit remplie.
Car, je vous le dis,
aucun de ces hommes qui avaient été invités
ne goûtera de mon dîner.” »

Luc 14, versets 15 à 24

Message

Celui qui, aujourd’hui, veut inviter les gens à partager ses idées, ses projets ou sa façon de voir la vie, peut le faire de plusieurs manières. Un parti politique peut esquisser un programme et présenter des candidats. Une entreprise peut faire faire une étude de marché par un spécialiste pour mieux toucher les potentiels acheteurs. L’Eglise, pour sa part, utilise la célébration de la Parole et les manifestations ouvertes à tous.

Jésus, quant à lui, raconte des paraboles sur le Royaume qui s’approche des hommes. Un Royaume dans lequel il aimerait les inviter à entrer. Royaume qui, en lui, est au milieu d’eux. Ainsi, il raconte des histoires. Et une histoire, c’est attrayant ; elle entraîne l’auditeur à sa suite. Et dans celle que nous venons d’entendre, il est question d’une invitation au grand festin.

Cette parabole a dû éveiller chez les auditeurs de l’époque l’envie de participer à un tel repas. Elle évoque une image qui peut les séduire et les encourager à accepter l’invitation.

Récapitulons :

Jésus raconte l’histoire d’un hôte qui invite des gens à participer à un grand festin, à une fête. Tout semble commencer normalement. Comme c’était la coutume, le serviteur de l’hôte s’en va convier les invités au repas. Et voici que ceux-ci déclinent l’invitation en prétextant mille raisons qui, à première vue, semblent toutes valables. Aucun d’eux ne viendra. Logiquement, l’histoire pourrait s’arrêter là. Mais elle a une suite et Jésus continue. La fête aura lieu quand même, mais avec d’autres invités ! Et le maître de maison envoie son serviteur à nouveau mais auprès de ceux qui n’ont pas d’habits de fête et qui appartiennent à la société des laissés-pour-compte. « Fort bien ! » se dit-on. Et l’histoire à nouveau pourrait trouver sa chute ici ! Mais non, Jésus poursuit en affirmant que la maison n’est pas encore pleine. Le serviteur repart pour inviter d’autres gens encore jusqu’à ce que la maison soit pleine.

Voyons maintenant de plus près :

Dans cette parabole, Jésus use d’images bien connues de ses auditeurs. Le repas est le signe de la joie et de la fête communautaire. Et l’invitation lancée laisse entendre qu’il s’agit d’un repas important, d’une fête extraordinaire. Ce n’est pas une simple invitation à une petite soirée autour d’un verre de vin. Non ! Il s’agit bien d’un grand festin pour lequel les tables sont dressées, et au cours duquel on ne servira que des mets merveilleux. Jésus tient ainsi son auditoire en haleine qui commence gentiment à s’identifier aux invités.

Et c’est alors que la surprise nous prend. A-t-on idée de refuser une telle invitation ! Ces gens sont fous ! Et pourtant, c’est bien ce que laisse entendre la parabole : ils se mirent tous à s’excuser !

Il est certain que pour un auditeur juif, les excuses invoquées sont possibles et valables. Les invités ne déclinent pas parce qu’ils se moquent de la fête, ou parce qu’ils sont fâchés avec l’hôte, mais parce qu’ils ont plus urgent ou mieux à faire.

Et voici un échantillon des excuses exprimées : L’un doit se rendre au champ qu’il vient d’acheter ; l’autre doit aller voir le bétail qu’il veut acquérir ; et le troisième qui vient de se marier veut rester auprès de sa femme.

Tous ont donc de bonnes raisons de refuser l’invitation à ce moment-là. Ce qui ne veut pas dire qu’en meilleure occasion, ils n’accepteront pas. Mais pas là, précisément.

C’est donc bredouille que le serviteur retourne auprès de son maître et qu’il lui annonce qu’aucun des invités ne sera présent ; que tous sont occupés ailleurs.

Et Luc nous rapporte brièvement la réaction du maître : « Pris de colère », rien de plus. Il ne s’étonne pas et ne montre aucune indulgence envers les motifs invoqués. Il ne les accepte tout simplement pas. Il ne fait aucun commentaire, il ne remet pas non plus la fête à plus tard. Il refuse de discuter et trouve inutile de dire un mot de plus. Et l’auditoire est alors surpris : «  Pourtant ce sont de bonnes raisons ! »

Qu’est ce qui justifie alors la colère du maître de maison ?

Certainement pas le refus de venir à sa fête, car alors, de rage, il supprimerait tout simplement l’événement !

Non, sa colère n’abdique pas. Elle ne ferme pas les portes. Au contraire, elle les ouvre encore plus. Et elle rappelle alors la colère de Dieu dans l’Ancien Testament qui se fâche face à la désobéissance d’Israël, mais qui continue envers et contre tout à offrir son salut.

De même, dans cette parabole, le maître de maison ne pense pas un seul instant à annuler la fête ou à la différer. Au contraire, cela ne fait aucun doute pour lui, elle aura lieu. C’est maintenant le temps de la fête et non pas demain ou plus tard. La fête doit avoir lieu ; le repas est prêt. On comprend alors que sa colère ne signifie pas destruction, mais elle exprime son chagrin, car il ne lui est pas indifférent que la fête ait lieu ou non. Et la façon dont il recherche de nouvelles possibilités révèle bien un amour et une affection inattendus. Le maître de maison maintient donc la fête et il va inviter d’autres personnes afin de les recevoir et de les combler.

Ainsi, le récit fait découvrir que la fête ne dépend pas des bonnes raisons des invités, mais bien du maître qui invite.

Il veut manger, boire et se réjouir avec ses invités.

Et l’histoire prend alors une nouvelle tournure lorsqu’il demande à son serviteur de retourner en ville et d’inviter tous les pauvres, les estropiés, les aveugles… Autrement dit, tous ceux qui étaient exclus du culte, tous les marginaux.

Et cette fois, les réponses positives à l’invitation sont nombreuses. On imagine alors la salle de fête remplie d’invités qui n’ont jamais participé à un tel repas, et qui sans doute ne s’étaient même jamais permis d’en rêver.

Et le serviteur l’annonce au maître en lui indiquant de surcroit que toutes les places ne sont pas occupées.

Sur quoi le maître lui ordonne de sortir à nouveau et cette fois d’aller chercher des invités au-delà des murs de la cité. Et, s’il le faut, de les forcer à venir pour que la maison soit remplie. Il s’agit bien de remplir la maison pour que cette fête soit fête.

Alors le serviteur part à la recherche de ceux qui, hors de la ville, passent leur temps à mendier pour survivre. On imagine aisément que de tels hères puissent hésiter à  accepter l’invitation. Est-on en train de se moquer d’eux ? Alors le serviteur a reçu l’ordre de les forcer afin que la maison soit remplie.

Il y a encore de la place pour beaucoup de monde, pour tous ceux qui ont envie de venir. Ceux qui se considèrent comme indignes, qui sont loin, qui sont en dehors de la bonne société. Ceux-là aussi sont invités, ils n’ont pas de raisons d’être absents. Il ne faut surtout pas les oublier.

Ce qui importe au maître de maison c’est que sa  maison soit remplie. Les portes sont grandes ouvertes, les tables sont dressées et le festin embaume la maison. Les hôtes viennent comme ils sont : pauvres, boiteux, aveugles, paralytiques ; il y a de la place pour chacun. Que la fête commence, que la joie s’installe.

L’invitation est toujours valable. Il y a encore de la place. Les derniers invités ne sont pas encore arrivés. Les portes restent ouvertes. Comme la parabole ne décrit pas la maison remplie, on comprend qu’il y a encore de la place pour beaucoup d’autres invités.

Vous qui avez suivi le récit de bout en bout, qui vous êtes peut-être laissés interpeler, qui avez été tiraillés d’un côté et de l’autre, peut-être vous posez-vous la question de savoir qui est celui qui invite. Qui est celui qui attache tant d’importance à cette fête et qui a à cœur de voir sa maison remplie ? Et qui est celui qui raconte avec tant de savoir faire cette parabole ? Il la raconte si bien que ses auditeurs seraient eux-mêmes prêts à accepter l’invitation à cette fête qui ne peut être différée.

Jésus est fin pédagogue. Il ne pousse pas ses auditeurs à se décider, mais il vient à leur rencontre et les rejoint dans leur façon de penser le Royaume de Dieu. En effet pour eux, il se manifestera plus tard sous la forme d’un festin. Et parce qu’ils attendent le Royaume pour plus tard, les premiers invités et avec eux les auditeurs de ce texte, ont la liberté de refuser l’invitation qui leur est adressée maintenant. Pour eux, le moment présent n’a pas tellement d’importance, car le Royaume de Dieu n’est pas encore établi. Ils peuvent alors vaquer encore à leurs occupations.

Masi au fil de la parabole, Jésus leur fait comprendre qu’ils se trompent sur le Royaume de Dieu. Il vient les chercher là où ils sont pour les amener à comprendre ce qui est important maintenant : la participation au grand festin de Dieu.

Dans la mesure où ils ne remarquent pas que, dans ce Jésus qui raconte des paraboles, c’est le Royaume de Dieu qui leur est offert, tous les auditeurs commencent par se trouver dans la situation des premiers invités. On a la liberté de décliner et de remettre à plus tard.

Jésus, à l’aide de la parabole, désire leur donner la possibilité de découvrir par eux-mêmes qu’ils font fausse route et qu’avec sa venue c’est le temps de la fête qui commence.

C’est pourquoi il multiplie les ouvertures. Il fait tout ce qu’il peut pour que ses auditeurs trouvent à se mettre dans la peau des invités en variant les milieux et les classes. Il tient à voir ses auditeurs accepter l’invitation à la fête avec joie.

Les premiers invités (qui ne viendront pas) et les derniers (qui acceptent l’invitation) évoquent ainsi deux aspects dans l’auditeur lui-même : son ancienne conception du Royaume à la fin des temps et cette nouvelle perspective qui vient de s’ouvrir : en lui, Jésus, la fête commence au milieu de nous.

Dans la personne de Jésus, le Royaume s’est approché. Celui qui a tellement à cœur le festin est également celui qui se tient devant eux et se préoccupe d’eux avec tant d’affection. Il cherche à les faire participer à ce grand festin pour que sa maison soit remplie.

Mais qu’en est-il de nous, auditeurs d’aujourd’hui ? N’avons-nous pas notre petite idée sur le Royaume de Dieu, sur son aspect, sur le moment de sa venue ?  

Grâce à cette parabole et à la manière concrète dont elle est racontée, je peux entrevoir une fête perpétuelle. Vais-je alors  me laisser séduire, vais-je faire confiance à celui qui la raconte ? Ou bien vais-je continuer à m’en tenir, muette et sans joie, à ce que je considère pour l’instant comme plus important : mes habitudes, mon devoir, ma tâche ? Quelles sont les invitations que je repousse sans leur accorder d’importance ? N’y a-t-il pas des gens qui m’attendent pour faire la fête ?

Il s’agit de découvrir aujourd’hui où nous sommes invités et à nous solidariser avec les plus petits qui eux aussi sont invités.

Ne laisser perdre personne et se réjouir avec tous de ce que le Royaume de Dieu nous soit offert aujourd’hui. Il est important de répondre aujourd’hui à l’invitation d’y entrer. Car, pour le maître de maison, il est fondamental que la maison soit remplie pour que la joie et la fête soient parfaites.

A l’heure où Jésus entre à Jérusalem, accueilli comme le sauveur, demandons-nous si nous allons accepter son invitation. Demandons-nous si à  l’inverse des premiers invités, nous avons su reconnaître en lui le Royaume de Dieu manifesté ou si, comme eux, nous déclinerons l’invitation au festin et le laisserons seul suspendu au bois, car nous avons mieux à faire.

Le Seigneur nous invite à la fête aujourd’hui et à reconnaître en son Fils la venue du Royaume pour aujourd’hui. Il nous invite à vivre de la joie du Royaume aujourd’hui, sans remettre à demain car tout est prêt.

Que la fête soit.
Bienvenue à chacune et chacun.

Amen.

 

Prière d’intercession

Ta grande maison est accueillante, Seigneur. Elle est bâtie pour que chaque enfant de la terre s’y sente heureux comme dans la maison de son Père.

Ta grande maison est lumineuse, avec les bougies en flammes, les vitraux qui, devant nos yeux, font danser ta clarté plus forte que les ténèbres.

Ta grande maison est bourdonnante, comme une demeure en fête : c’est ton peuple en prière qui fait monter vers toi les chants mais aussi les cris et les soucis des habitants de la terre. Et c’est dans notre cœur que nous te remettons à présent les situations et les personnes auxquelles nous pensons.

Seigneur, nous voici dans ta grande maison pour goûter la joie de ton grand amour, et c’est ensemble, nous tes enfants, que nous te disons :

Notre Père qui es aux cieux,
que ton nom soit sanctifié,
que ton règne vienne
que ta volonté soit faite
sur la terre comme au ciel.
Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour.
Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi
à ceux qui nous ont offensés,
et ne nous laisse pas entrer dans la tentation,
mais délivre-nous du mal.
Car c’est à toi qu’appartiennent :
le règne la puissance et la gloire,
Aux siècles des siècles.
Amen.

Bénédiction

Que le Seigneur nous accompagne sur la route qui nous mène à Vendredi-Saint, qu’il nous donne force et courage durant cette longue semaine. Sa bénédiction nous accompagne. Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

Amen.