Modifier ses croyances sur Dieu, ce n’est pas perdre la foi

Lectures :

  • Actes des apôtres 1,1-11                                                                      
  • Jean 9,1-3

Faire de l’Ascension une fête, voilà qui est tout de même étrange. L’Ascension ne devrait-elle pas être, avec Vendredi Saint, l’un des deux jours les plus tristes de l’année chrétienne ? Car comment fêter l’absence ? Tout à l’heure, à l’issue du culte, nous commémorerons, avec celles et ceux qui voudront se joindre à nous, l’absence d’Esmeralda, la fille d’Emilienne et Guy. Ressentir l’absence de celles et ceux qu’on aime est quelque chose d’extrêmement douloureux. Mais peut-on mettre sur pied d’égalité la disparition de Jésus et celle de son enfant, bien sûr que non, même si les deux ont des points communs.

Quand je parle avec les enfants de la foi, dans les écoles, une des choses qu’ils trouvent la plus difficile, c’est de croire en Dieu sans le voir. Ce serait tellement plus simple s’il pouvait se montrer à nous, comme il l’a fait lors de ses apparitions aux disciples. Mais sa disparition de notre vue fait appel à notre confiance. Sommes-nous confiants qu’il est là, malgré tout ?

Peut-être que c’est difficile pour nous. On passe tous par des moments où on croit perdre la foi. La plupart du temps, on ne perd pas la foi, mais on perd des croyances, des représentations : les images qu’on avait de Dieu.

C’est ce qui est arrivé à Job. Ce que lui impose la vie lui fait remettre en question ses croyances sur Dieu, mais pas sa foi. Combien il s’est même rapproché de Dieu ! Pourtant, il s’est fâché contre Dieu. Il lui a exprimé sa colère ! Mais à la fin, c’est Job qui est reconnu pour avoir parlé correctement de Dieu et non ses deux amis. Job a été sincère, vrai, authentique dans son dialogue avec Dieu et c’est cela qui fait de lui un juste, alors que ses amis ont fait de belles théories, mais leurs paroles étaient creuses.

Qu’est-ce qui restera de tous nos discours sur Dieu au moment où on sera sur notre lit d’hôpital ou sur notre lit de mort ? Qu’est-ce qui restera de toutes les idées qu’on a apprises, de tout ce qu’on a lu ? Ce ne sera peut-être pas le moment où nous perdrons la foi, mais plutôt le moment où on trouvera la foi ; parce que avoir la foi, c’est ouvrir son intelligence et son cœur à l’Inconnu, à ce qui arrive, à « Celui qui vient », à « Celui qui est » et qui se révèle comme étant infiniment plus que tout ce qu’on a pu en dire, en savoir et même en expérimenter.

Tout ce qu’on dit de Dieu est lié à son histoire personnelle, à l’histoire de sa petite enfance, à ses souffrances, de même qu’à son histoire collective. Mais Dieu est plus que cela. Il est au-delà de nos mots, il est tellement plus que tout ce que nous pouvons penser et dire de lui. Il est celui qui s’est révélé à Moïse en disant « Je suis celui qui est ». Mon désir le plus profond serait de me taire en sa présence, car parler de l’Absolu est toujours relatif. En présence de l’Infini, je reste « fini », limité. Alors, la question que je devrais me poser aujourd’hui est : ma finitude est-elle ouverte ou fermée ?

Est-ce que je tiens à faire entrer Jésus dans les cases que je lui ai toujours réservées jusqu’à ce jour ou est-ce que je suis ouverte à ce qu’il se révèle toujours plus à moi, au risque de déborder, au risque que je doive déconstruire certaines choses que je considérais comme certaines jusque-là et qui, soudain, m’apparaissent dépassées.

L’essentiel, c’est de croire que celui qui est, même s’il a l’air absent, est avec moi. Cela nous ouvre à d’autres niveaux d’être, d’autres niveaux de réalité. Et cela nous tourne non plus vers le passé, mais vers l’avenir. Jésus a dit : « Il est préférable pour vous que je m’en aille. » (Jean 16,7) En effet, si dans l’AT, Dieu n’était présent que dans le lieu très saint et que le grand-prêtre ne pouvait y entrer qu’une fois par année, et que Jésus n’est lui aussi présence de Dieu qu’à un endroit, la Pentecôte inaugurera la présence de Dieu dans tous les lieux où le Saint-Esprit est invoqué, même dans les cœurs des croyants. C’est un mode de présence totalement nouveau.

Jésus invite donc ses disciples à attendre la venue du Saint-Esprit. Ils sont, pour cela, exhortés à se tourner vers l’avenir et à ne pas regretter le passé. De même, en voyant cet homme aveugle de naissance, les disciples ont tendance à regarder en arrière pour essayer de comprendre qui est fautif pour qu’il soit ainsi handicapé. Qui aurait péché pour que cet homme ait à souffrir toute sa vie. Mais Jésus leur demande de détourner leur regard du passé, pour le tourner résolument vers l’avenir : « Ce n’est pas que lui ou ses parents aient péché, mais c’est afin que les œuvres de Dieu soient révélées en lui. » Le mot « afin » est déterminant dans la vie de cet homme comme dans nos vies. Si beaucoup de choses n’ont pas de sens en soi, comme la mort d’un enfant, il ne faut pas que nous voulions y trouver une explication, dit Jésus, par contre, par la grâce de Dieu, ces choses sont arrivées « pour quelque chose à venir », pour que soit manifestée la gloire de Dieu. En hébreu, la gloire se dit kavod, c’est le « poids de sa présence ». Alors, je prie que, dans nos vies, lorsqu’un événement terrible nous touche, comme la perte d’un enfant, que le poids de la présence de Dieu nous réconforte et nous aide à regarder vers l’avant et à nous poser la question :

  • Qu’est-ce que je fais de tout cela ?
  • Pourquoi vivre encore ?
  • Réponse que j’aimerais vous proposer : Pour passer d’une vie subie à une vie choisie.

Comme le dit Elisabeth Kubler-Ross, la mort est un « passage sur une autre longueur d’onde ». Jésus a dit, « Je vais vous préparer une place, puis je reviendrai et je vous prendrai avec moi, afin que là où je suis, vous y soyez vous aussi. » (Jean 14,3) C’est ce que Jésus accomplit pour tous ceux et celles qui sont désormais absents de notre vue, mais visibles auprès de Dieu.

Ainsi donc, l’Ascension devient une fête, car elle transfigure nos morts. Elle en fait des vivants dans la présence même de Dieu. Tous ensemble, ils dansent et se réjouissent car ils bénéficient, je le crois, de ce nouveau niveau d’être que rien ni personne ne peut leur enlever.

Amen

Image par smellypumpy de Pixabay