Il y a urgence!

Prédication du culte du 28 novembre 2021 au temple de Rochefort: premier dimanche de l’Avent.

11 Prenez cela d’autant plus au sérieux que vous savez en quel temps nous sommes : le moment est venu de vous réveiller de votre sommeil. En effet, le salut est plus près de nous maintenant qu’au moment où nous avons commencé à croire. 12 La nuit est avancée, le jour approche. Rejetons donc les actions qui se font dans l’obscurité et prenons sur nous les armes qu’on utilise en pleine lumière. 13 Conduisons-nous honnêtement, comme il convient à la lumière du jour. Gardons-nous des orgies et de l’ivrognerie, de l’immoralité et des vices, des querelles et de la jalousie. 14 Revêtez-vous de tout ce que nous offre Jésus-Christ le Seigneur et ne vous laissez plus entraîner par votre propre nature pour en satisfaire les désirs.

Épître aux Romains 13,11-14

 

25  Il y aura des signes dans le soleil, dans la lune et dans les étoiles. Sur la terre, les nations seront dans l’angoisse, rendues inquiètes par le bruit violent de la mer et des vagues. 26 Des hommes mourront de frayeur en pensant à ce qui devra survenir sur toute la terre, car les puissances des cieux seront ébranlées. 27 Alors on verra le Fils de l’homme arriver sur un nuage, avec beaucoup de puissance et de gloire. 28 Quand ces événements commenceront à se produire, redressez-vous et relevez la tête, car votre délivrance sera proche.(…) 34 Prenez garde ! Ne laissez pas votre esprit s’alourdir dans les fêtes et l’ivrognerie, ainsi que dans les soucis de cette vie, sinon le jour du Jugement vous surprendra tout à coup, comme un piège ; car il s’abattra sur tous les habitants de la terre entière. 36 Ne vous endormez pas, priez en tout temps ; ainsi vous aurez la force de surmonter tout ce qui doit arriver et vous pourrez vous présenter debout devant le Fils de l’homme.

Luc 21,25-28 + 21,34-36

Il y a urgence !

Il y a urgence !
Il y a urgence: c’est le cri des prophètes. Prophètes d’antan et prophètes modernes ne cessent d’hurler au monde cette urgence. Et le monde demeure sourd. Il l’était déjà hier, il l’est toujours aujourd’hui.

Cette urgence ressentie jusque dans leurs tripes et cet ahurissement à voir la société qui entend mais qui ne réagit pas – ou du moins qui ne réagit pas comme ils l’espéreraient – provoquent chez certains de nos contemporains un mal nouveau : l’éco-anxiété. Angoisse climatique, burn-out écologique, ces nouvelles formes de dépression deviennent de plus en plus fréquentes.

Il y a urgence. Mais le monde n’aime pas l’urgence. Et s’il entend les avertissements, il préfère – et de loin – le lent changement de cap d’un paquebot lancé à vitesse de croisière que le brusque virement de bord.

L’être humain n’aime pas changer. Et surtout il n’aime pas perdre. Il préfère les changements imperceptibles qui lui donnent l’illusion de ne renoncer à rien, de s’inscrire dans la lente évolution qui, comme une lame de fond, dessine un futur sans rebondissement. Une transition douce du moteur à essence à un moteur qui consomme moins, aux véhicules hybrides puis électriques. Doux glissement de l’un à l’autre qui ne remet pas en question nos habitudes de mobilité.

L’humain, par nature, est réfractaire aux appels d’urgence.

Urgence de l’Avent

Nous entrons aujourd’hui dans l’Avent, temps qui nous mènera lentement mais sûrement jusqu’à Noël. 4 semaines ni une de plus, ni une de moins. Il n’y a pas de surprise. L’Avent est par définition le temps de l’attente, du pas après pas. Les jours s’égrainent comme les portes du calendrier, l’un après l’autre.

Mais pour ouvrir ce temps, paradoxe absolu, ce sont des textes apocalyptiques qui nous sont donnés de méditer. Il y a urgence, crie-t-on en ce début d’Avent ! Urgence. Urgence à attendre ?!?

Oui, urgence à nous mettre en veille, en état d’attente active. Se préparer à Noël ne se résume pas à sortir quelques décorations de nos armoires, ni à établir la liste des personnes pour lesquelles il ne faudra pas oublier de prévoir un cadeau. Se préparer à Noël, c’est se préparer à ce que signifie la venue de Dieu dans la monde.

Pas à sa venue en général, théoriquement, dans un discours métaphorique ou déconnecté de la réalité. Non, la venue de Dieu dans notre monde. Ici, cette année. Au cœur de l’hiver 2021. Sa venue est chaque année différente, parce que le monde est différent chaque année, parce que nos vies sont différentes chaque année. Et donc notre préparation à sa venue doit être aussi différente chaque année.

Dieu vient dans le monde de 2021

Dieu vient dans le monde aujourd’hui. Et que voit-il ?

En 2021, il voit beaucoup de choses belles choses: des gens heureux, des familles qui se sont agrandies. Il voit une société suisse qui a ouvert l’institution du mariage à d’autres formes de couples, il voit des projets individuels ou collectifs qui se sont réalisés. Il voit un monde qui tourne à nouveau. Des entreprises qui ont repris leurs activités…

Mais il voit aussi des divisions, des familles et des cercles d’amis meurtris. Comme on n’aurait pu le prévoir il y a de cela moins d’un an. L’épidémie a emporté certains des plus fragiles, mais elle a aussi exacerbé les désaccords. Des paroles dures, des condamnations réciproques. Une société marquée par une fissure entre les pro et les anti.

Dieu vient dans un monde et que voit-il ? Il trouve un monde où on laisse toujours mourir des hommes, des femmes et des enfants en Méditerranée alors que cela fait des années que l’on prétend s’en indigner.

Il vient et il voit des prophètes qui crient « il y a urgence » et un monde qui ne s’empresse pas de changer. Ou qui s’enflamme pour les extrêmes, les outranciers. Un monde qui semble avoir perdu confiance en la raison et la tempérance, et qui cède aux sirènes des Zemmour et autres incitateurs à la haine.

Vous savez quels temps nous vivons, nous disent à la fois l’évangéliste Luc et l’apôtre Paul auteur de l’épître aux Romains. Vous savez que tout ne va pas bien, qu’il se passe des choses préoccupantes. Des signes dans le ciel et des inquiétudes sur la terre. Vous le savez.

Il est l’heure

Il est l’heure. L’heure de sortir du sommeil. De se mettre en éveil. De redresser la tête pour se tenir debout.

Se tenir debout, c’est un terme qui est souvent utilisé dans la Bible. Ceux qui se tiennent debout, ce sont ceux qui ne sont pas paralysés, ceux qui ont été relevés par Jésus, ceux qui on repris possession de leur vie, qui ont été touchés par la grâce. Se tenir debout et se réveiller! Se réveiller c’est le même verbe que ressusciter.

Il est temps. Il est temps de vivre comme des enfants de Dieu ressuscités. Dès aujourd’hui. Sans attendre. La résurrection n’est ni pour la fin des temps ni pour la fin de nos vies individuelles, elle est maintenant. C’est dès aujourd’hui que nous pouvons vivre comme des ressuscités.

C’est la force des discours prophétiques apocalyptiques qui ne parlent pas seulement du futur, d’un avenir hypothétique, mais qui interpellent dans le présent. La vision du point d’arrivée nous éclaire en réalité sur le chemin.

Et certes il y aura des pertes et des renoncements, mais la perspective est toujours le règne de Dieu, c’est à dire un monde renouvelé dans lequel est contestée la fatalité du mal.

L’urgence de la lumière

Il y a urgence !
Urgence à sortir de la nuit et des ténèbres. D’une obscurité pourtant bien confortable, car elle permet de masquer nos inconséquences. Personne n’est à l’abri de ses incohérences. D’un écart entre son discours et ses actes. Les bonnes intentions, les volontés, les « je sais que je devrais », les justifications, les faiblesses aussi.

L’aube pointe, le matin va se lever et sur tout il sera fait jour. Prenez les armes de la lumière ! dit Paul dans ce chapitre 13 de l’épître aux Romains qui commence par un appel à la confiance envers les autorités civiles et une exhortation à l’amour du prochain. Voilà les armes de la lumière : la confiance et l’amour.

Pas une confiance crédule ni un amour béat. Mais une confiance et un amour exigeants qui mettent en route.

Vous avez quel temps nous vivons, quel jour nous sommes. « Le salut est plus près de nous maintenant que quand nous avons cru pour la première fois. » Je suis plus proche aujourd’hui qu’hier de la fin de mon existence. Nous sommes plus proches aujourd’hui qu’hier de la fin de notre société.

Et cette réalité soit nous paralyse et nous fait paniquer, soit elle nous met debout et dès à présent nous débutons le premier jour du reste de notre vie.

Voilà comment ces textes viennent nous secouer en ce début du temps de l’Avent. Et si en allumant la première bougie de notre couronne, ou si en ouvrant la première porte du calendrier nous nous disions : ce numéro 1, c’est le premier jour du reste de ma vie ?

Il est l’heure, mes amis. L’heure de la lumière.
Et comme le disait autrefois Confucius : « On a deux vies. La seconde commence quand on réalise qu’on n’en a qu’une. »

Amen